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THÉOPHILE GAUTIER.

la civilisation au milieu de laquelle il se mouvait. Mentalement il en cherchait d’autres, celles surtout que le passé semblait avoir frappées d’un sceau indélébile ; il eût voulu parcourir des pays où les traces de l’histoire fussent restées apparentes dans les mœurs. Comme ceux qui sont tourmentés par le besoin des migrations, il se figurait les contrées auxquelles il aspirait, plus belles, plus étranges qu’elles ne le sont. Il les voyait à travers les songes évoqués par la poésie. Ainsi qu’Alfred de Musset, il pensait à Madrid, princesse des Espagnes ; de jolis vers mis en musique par Hippolyte Monpou lui promettaient des marquises « pâles comme un beau soir d’automne », et les Orientales, s’inspirant du Romancero, lui parlaient

Du fils de la renégate
Qui commande une frégate
Du roi maure Aliatar.

L’Espagne et l’Italie ayant fourni le cadre de presque tous les drames romantiques récemment éclos, c’est du côté de l’Italie et de l’Espagne que se tournaient les yeux. La ferveur littéraire tenait lieu de foi ; l’histoire était arrangée Dieu sait comme, mais on croyait à cette histoire, si dénaturée qu’elle fût, du moment qu’elle portait le costume moyen âge et qu’elle récitait quelques tirades sur les planches d’un théâtre « dans le mouvement ». On ne doutait ni de la galerie de portraits de Ruy Gomez, ni des narcotiques de la Thisbé, ni des meurtres, ni des