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CHAPITRE III

LE QUATRE SEPTEMBRE



LA NOUVELLE DE LA BATAILLE DE SEDAN PARVIENT À PARIS. — L’AMIRAL RIGAULT DE GENOUILLY. — HENRI CHEVREAU ET L’IMPÉRATRICE. — TROCHU EST APPELÉ AUX TUILERIES ET N’Y VIENT PAS. — CONSEIL DES MINISTRES. — LA VEILLÉE DES ARMES. — CONCILIABULE RUE DE LA SOURDIÈRE. — SÉANCE À MINUIT AU CORPS LÉGISLATIF. — KÉRATRY. — LE COUP DE JARNAC DE JULES FAVRE. — JULES BRAME CHEZ L’IMPÉRATRICE. — DÉCOURAGEMENT. — ENTREVUE DE L’IMPÉRATRICE ET DU GÉNÉRAL TROCHU. — LE DERNIER CONSEIL DES MINISTRES. — LE CORPS LÉGISLATIF MAL PROTÉGÉ. — LA SÉANCE. — LE GÉNÉRAL LEBRETON. — INTERVENTION DE LA GARDE NATIONALE. — INVASION DU CORPS LÉGISLATIF. — À L’HÔTEL DE VILLE. — LES DÉPUTÉS DE PARIS ET LE GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE. — LE SOIR, DEUX CENTS DÉPUTÉS SE RÉUNISSENT AU PALAIS-BOURBON. — JULES FAVRE LEUR INTERDIT DE SE RÉUNIR. — LA RESPONSABILITÉ DU GÉNÉRAL TROCHU.



CE fut le 3 septembre que la nouvelle de la catastrophe de Sedan pénétra dans Paris ; elle fut tenue secrète par l’Impératrice, qui l’avait reçue, et par les ministres, auxquels elle la communiqua. Je fus un des premiers à l’apprendre. Dans mon inquiétude, je ne tenais pas en place. Je sortais, je rentrais sans motifs, ne me trouvant bien nulle part, agité, oppressé, espérant toujours que le premier passant venu allait me dire quelque chose dont je pourrais me rassurer. Vers onze heures du matin, j’allai chez Piétri ; il était dans son cabinet et donnait des instructions à Baube, chef de la deuxième division, afin qu’il fît diriger sur Paris beaucoup de vaches laitières dont l’usage serait exclusivement réservé aux petits enfants. Tout en parlant, il ouvrit le tiroir à secret de son bureau et me tendit une sorte de boîte plate en maroquin vert, grande à peu près comme un volume in-12. En me la remettant, il me montra un bouton qui faisait agir le verrou de fermeture, et d’un clin d’œil il m’indiqua Baube ; je compris que je devais garder le silence.