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répondit en se dérobant ; il n’était plus rien ; ni chef d’armée, ni chef de gouvernement ; c’était à la régente et non pas à lui à formuler ou à écouter les propositions qui pourraient être faites. En réalité, nul ne voulait accepter une si lourde responsabilité ; l’Empereur se récusait, l’Impératrice se fût récusée ; il faut souvent plus de courage pour faire la paix que pour combattre.

Dans de telles circonstances, au milieu du désarroi général des esprits et des volontés, un seul pouvoir, agissant au nom de la nation qu’il représentait, avait qualité pour mettre fin à la guerre, en acceptant les faits accomplis ; c’était le Parlement, composé du Sénat et du Corps législatif, réunis en congrès. L’Empereur et le roi de Prusse y comptaient certainement pendant leur colloque ; mais ils avaient compté sans la population de Paris, qui allait se hâter d’envoyer le Parlement rejoindre dans les catacombes de la politique, sans scrupule, l’Assemblée législative du 2 décembre 1851 et la Chambre des députés du 24 février 1848. Seulement, cette fois, c’était devant l’ennemi et à son bénéfice que l’acte de violence serait exécuté.

Deux dépêches expédiées par le roi de Prusse à la reine Augusta apprirent à Berlin, ivre de joie, à l’Allemagne, folle d’orgueil, le résultat de la bataille.

« Devant Sedan, le 2 septembre 1870, une heure et demie après midi.

« La capitulation par laquelle toute l’armée dans Sedan est faite prisonnière vient d’être conclue avec le général Wimpffen, qui a pris le commandement à la place du maréchal Mac-Mahon blessé. L’Empereur n’a voulu se rendre qu’à moi-même, attendu qu’il n’exerce plus le commandement et qu’il a transféré tout pouvoir à la régente à Paris. Je fixerai le lieu de son séjour, après que j’aurai eu avec lui un entretien qui va avoir lieu immédiatement. Quels changements accomplis par la volonté de Dieu ! »

« Varennes, 4 septembre, huit heures du matin. Quel moment saisissant que celui de la rencontre avec Napoléon ! Il était abattu, mais digne dans son attitude et résigné. Je lui ai donné pour résidence Wilhelmshœhe, près Cassel. Notre entrevue a eu lieu dans un petit château devant le glacis Ouest de Sedan. L’accueil que m’ont fait les troupes, tu peux te le figurer ! Indescriptible. Que Dieu nous favorise encore ! »