ment du territoire, utile jadis, n’avait plus de raison d’être et n’offrait guère que des inconvénients sans compensation. Tenant compte des intérêts, des habitudes qui constituaient dans les mœurs des différences appréciables, il partageait la France en dix-huit régions.
Chacune de ces régions avait un parlement particulier, toujours en rapport avec les conseils municipaux et participant de la sorte à la vibration spéciale de chaque commune. Ce parlement, qui me semblait devoir être une espèce de conseil général plus étendu et permanent, s’occupait de tout ce qui pouvait intéresser la région dont il était l’émanation représentative. Il adoptait des résolutions qui n’avaient force de loi qu’après avoir été examinées au Conseil d’État, discutées et votées par le Corps législatif, lequel avait pour mission de veiller à ce que nul préjudice ne fût porté à l’intérêt général de la France par les intérêts locaux que le parlement régional serait toujours tenté de faire prévaloir. Le parlement régional votait le budget régional ; le Corps législatif votait le budget de l’Empire ; le Sénat examinait les lois proposées au seul point de vue de la Constitution, semblable à la Cour de Cassation, qui ne s’appuie que sur le droit abstrait pour consacrer ou réformer les arrêts de la Justice.
Le Prince impérial était persuadé que, de cette façon, il appelait la France à se gouverner elle-même et à développer une existence provinciale propre, pleine d’émulation et qui produirait d’heureux résultats. À la tête de son ministère, qui jamais ne serait responsable que devant lui, comme lui-même était responsable devant la nation, il se réservait d’exercer la tutelle sur toutes ces assemblées locales. Il leur imprimait une impulsion qui lui revenait, intacte ou modifiée, sous forme de motions qu’il acceptait ou rejetait, selon l’avis motivé qui serait donné par le Corps législatif. Il croyait à sa conception, il en tirait toute sorte de conséquences plus fécondes les unes que les autres et voyait s’ouvrir une ère de prospérité sans pareille. Certes, son bon vouloir était irréprochable et, s’il n’eût dépendu que de lui, la France serait devenue cet Eldorado qui n’a été visité, en conte, que par Candide.
Ne se faisait-il pas illusion ? Les assemblées eussent été platoniques, sans pouvoir effectif ; elles eussent été propices aux bavards et, en somme, auraient eu simplement le droit