brisé. Le faisceau des forces monarchiques se trouva brusquement rompu. Chacun retourna à son opinion entière et répudia toute concession.
Les légitimistes, désespérés, s’inclinèrent devant la volonté royale et n’échangèrent leurs façons de voir que dans le secret des conciliabules de famille ; les orléanistes, outrés du mépris qu’on leur avait témoigné en n’appréciant pas le sacrifice qu’ils avaient fait de leurs affections personnelles, ne se gênèrent point pour dégorger leur mauvaise humeur et pour déclarer que nulle entente n’était possible avec des gens entichés de préjugés gothiques et qui prétendaient contraindre la France à marcher à reculons. La conciliation éphémère des deux partis monarchiques, basée sur des espérances mutuelles, mais différentes, s’évanouit. De cette fraternité d’occasion, cimentée par l’intérêt, il ne resta rien qu’un rêve ébauché, dissipé par la réalité. Les frères ennemis, les Étéocle de la branche aînée, les Polynice de la branche cadette se retrouvèrent ce qu’au fond, et malgré leur baiser Lamourette, ils avaient toujours été : irréconciliables. Plus d’un s’en réjouit qui n’osa l’avouer et préféra la République au droit divin. On eût, je crois, accepté le comte de Chambord modernisé et adoptant l’emblème de la patrie, telle que les événements l’ont faite ; on s’éloigna du prince féodal, dont le premier acte indiquait la ferme volonté de revenir en arrière ; en cette circonstance, c’est la royauté qui a manqué à la France et non point la France qui a manqué à la royauté.
La monarchie, quelle qu’elle fût, ne pouvait sortir que d’un vote de coalition ; aucun des deux partis qui formaient celle-ci n’était assez nombreux pour disposer de la majorité ; les deux fractions se séparèrent et entre elles passa la République. On la décréta en rechignant, car l’Assemblée, malgré qu’elle en eût, restait ce qu’elle était à Bordeaux, royaliste ; une voix, une seule, qui, je crois même, fut contestée, décida du sort de la France et lui donna le gouvernement républicain[1]. Ceux qui avaient essayé une restauration de la légi-
- ↑ Un sénateur inamovible est mort hier : c’est le général Chabrou, dont le nom avait été cité à l’ordre de l’armée à la bataille de l’Alma et à Palestro. Il était général de brigade dans le cadre de réserve depuis deux ans, quand la guerre de 1870 éclata : il fut promu alors divisionnaire, prit un commandement dans l’armée de la Loire et enleva un faubourg de Blois aux armées allemandes. Son département, la Haute-Loire, l’envoya siéger à l’Assemblée nationale.