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C’est le 17 août 1870, au camp de Châlons, que l’Empereur, tenant compte peut-être de certaines motions faites au Corps législatif au moment de la chute d’Émile Ollivier, nomma Trochu gouverneur de Paris et « commandant en chef de toutes les forces destinées à la défense de la capitale ». Le général Trochu accepta cette mission, dont il ne se dissimula pas, dit-on, la gravité, à deux conditions qu’il réserva expressément : la première, c’est que Napoléon III reviendrait immédiatement aux Tuileries, pour reprendre la direction du gouvernement ; la seconde, c’est que les troupes que reconstituait le maréchal Mac-Mahon seraient ramenées le plus rapidement possible sous Paris, dont elles formeraient l’armée de secours. Ces deux conditions, qu’appuyait le duc de Magenta, furent acceptées sans débat par l’Empereur. Elles ne furent cependant pas observées.

Le général Trochu, en arrivant à Paris, se rendit au débotté chez l’Impératrice, à laquelle il fit connaître sa nomination au poste de gouverneur et la proclamation dans laquelle il annonçait le prochain retour de Napoléon III. L’Impératrice jeta les hauts cris : « Tout est perdu, s’il revient ; il ne peut abandonner l’armée ; la nouvelle seule d’un retour possible serait le signal d’une révolution ; il ne faut même pas y faire allusion. » Et elle-même, prenant la minute de la proclamation, biffa tout ce qui était relatif à l’intention que l’Empereur avait manifestée de venir se renfermer à Paris et d’en partager les dangers. Trochu laissa faire, les mots Empereur et gouvernement impérial disparurent sous la plume de la régente. L’Impératrice était de bonne foi, on doit le croire, mais on ne sera pas non plus imprudent d’imaginer que l’attrait du pouvoir, même dans des conjonctures redoutables et si douloureuses, ne fut pas étranger à sa résolution. Les conditions sine qua non que le général Trochu avait posées se trouvaient anéanties : qu’allait-il faire ? La situation ainsi modifiée devenait tout autre ; le soldat l’eût répudiée, l’ambitieux l’accepta.

Le conflit entre le ministre de la Guerre et le gouverneur de Paris, entre Trochu et Palikao, fut immédiat et permanent. Les instructions du général Trochu limitaient son action au commandement des forces destinées à la défense de la capitale, mais il prétendait que son titre de gouverneur lui donnait la haute main sur la police intérieure et la surveillance de Paris. Ce n’était point l’avis de Palikao, qui