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l’Est, par le général Bourbaki, et si, à ces tristesses, il veut mêler une note gaie, je l’engage à lire un volume de Glais-Bizoin, intitulé : Dictature de cinq mois ; j’ai souvent regretté de n’être pas étranger à la France, — Cafre ou Javanais, — pour savourer ces mémoires d’un des hommes qui furent nos maîtres en ces jours de malédiction.

Ces jours-là, s’il fallait les revivre pendant seulement une semaine, s’il fallait se repaître encore de nouvelles fausses, être obligé de mettre sa confiance en des hommes qui ne la méritaient pas, écouter les harangues où la rhétorique tenait lieu de tout sentiment, entendre le bruit des canons inutiles, être assourdi par des chants avinés qui ne parlent plus à l’esprit, parce qu’ils ne sont que des clameurs, sentir que la garde nationale, au lieu de marcher à l’ennemi, regarde du côté des maisons opulentes qu’elle doit brûler pendant la Commune, comprendre que ce qu’il y a de plus sacré au monde, la patrie, est en proie à des incapables et à des impuissants, savoir, à n’en pas douter, que toute victoire s’est détournée de nous et que notre sort ne peut qu’empirer par la prolongation d’une lutte désormais coupable, à force d’être inégale, s’il me fallait repasser par ces émotions, par ces désespoirs, j’aimerais mieux me coucher tout de suite sous mon linceul et aller retrouver ceux qui m’ont précédé.