fut incohérente, là elle fut nulle, partout elle fut illusoire. Dans quelques grandes villes, et notamment à Paris, elle fut criminelle, car, au lieu d’employer les forces à repousser l’ennemi, on les garda pour s’opposer à une restauration éventuelle de l’Empire. Cette nouvelle guerre, entreprise au lendemain d’un désastre, fut continuée à travers bien des fautes et se termina au moment où la nation allait entrer en agonie. Après l’Empire, le Gouvernement de la Défense nationale. C’est à croire que le destin s’acharnait à notre perte.
Cette histoire, je ne la raconterai pas, et je ne veux pas la raconter. J’en ai été le témoin désespéré ; je ne me sens pas le courage de refaire pas à pas cette voie douloureuse ; c’est assez de l’avoir une fois parcourue ; c’est assez d’avoir vu mon pays épuisé, perdant la vie par ses blessures, à la fois affaissé et furieux, n’ayant pas pu vaincre et ne se résignant pas à être vaincu. Que d’autres entreprennent cette tâche devant laquelle j’ai reculé et que nul encore (1887) n’a honnêtement accomplie. Dithyrambe ou pamphlet, ce n’est pas là de l’histoire. La vérité sera pénible à entendre, plus pénible à dire, et cependant il est indispensable qu’elle soit sue. Je soulèverai quelques plis du voile de mensonges sous lequel l’esprit de parti, la rancune, le faux patriotisme l’ont cachée ; mais je ne parlerai qu’au gré de mes souvenirs, et si je consulte quelques documents authentiques, ce sera pour m’éclairer et non pour rétablir la suite, l’enchaînement et l’intégralité des faits. Il y aura donc des lacunes dans mon récit, car je ne veux dire que ce que j’ai appris avec certitude et ce que j’ai aperçu de ma lucarne. Ce n’est pas que les documents fassent défaut ; on s’est ingénié à les multiplier et à les appuyer sur des pièces officielles ; tout le monde a parlé, les vaincus et les triomphateurs du 4 Septembre, les généraux allemands et les généraux français ; on n’a qu’à les écouter, et, en les contrôlant les uns par les autres, on saisira la vérité.
L’historien qui lira les dépositions et les rapports résultant de l’Enquête parlementaire sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale, le Compte rendu du procès Bazaine, l’Enquête sur le 18 mars, la Relation de la guerre de 1870-1871 par l’État-Major allemand, aura en main d’irrécusables témoignages et, pour ainsi dire, le relevé quotidien des faits qui ont enlaidi cette époque. S’il veut savoir comment fonctionnaient l’administration des chemins de fer et l’intendance en ces temps de confusion, il pourra consulter La Campagne de