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suis assis dans la cellule des détenus, j’ai accompagné les condamnés à mort jusque sur la table des autopsies ; j’ai visité les indigents ; j’ai dormi sur le lit des hôpitaux ; je suis monté sur la locomotive des trains de grande vitesse et je me suis interné dans un asile d’aliénés pour mieux étudier les fous. Je crois n’avoir reculé devant aucune fatigue, devant aucune enquête, devant aucun dégoût… » Il faut dire que, grâce à son amitié avec le préfet de Police Joseph Piétri, Maxime Du Camp eut accès aux archives de la Préfecture. Il put de la sorte connaître les dossiers secrets de la police et y faire des découvertes dont la divulgation immédiate eût été parfois désastreuse pour la réputation de tel ou tel personnage célèbre et considéré. C’est dire pourquoi il a voulu différer jusqu’au siècle suivant la publication de ses Souvenirs. « Lorsque ces pages, écrit-il, seront mises sous les yeux du public, celui qui parle et ceux dont on va parler seront depuis longtemps réunis dans la même poussière ; cela me met à l’aise pour ne point me réserver… »

Maxime Du Camp se consacrait donc à des ouvrages que nous qualifierions aujourd’hui de « documentaires » : ses Souvenirs de l’année 1848 (1876) ; son ouvrage sur la Commune de 1871, Les Convulsions de Paris (1878) ; un autre ouvrage sur La Charité privée à Paris (1885), où il étudiait avec sympathie certaines institutions telles que les Petites Sœurs des Pauvres ou les Dames du Calvaire. Il avait été élu en 1880 à l’Académie française, en remplacement de Saint-René Taillandier.

Vieux Parisien amoureux de sa ville natale, Maxime Du Camp avait cependant l’habitude de séjourner chaque été à Baden-Baden, qui était alors le rendez-vous de la haute société européenne et où il était devenu, disait-on, l’homme le plus en vue après le grand-duc de Bade. Ce fut là qu’il écrivit, de 1882 à 1888, les Souvenirs que nous publions aujourd’hui. Ce fut aussi là qu’il mourut, le 8 février 1894, le jour même où il achevait sa soixante-douzième année.

Au cours de sa longue et riche existence, Maxime Du Camp avait entretenu des relations non seulement avec des écrivains et des artistes, mais aussi avec un grand nombre de personnages — princes, hommes politiques, diplomates, administrateurs, femmes du monde — qui jouèrent un rôle important sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, et dans les débuts de la Troisième République. Familier de