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« Et dans tous ses termes il est l’intelligence infinie, se constituant unité, amour !


« AUX DEUX PÔLES, EXPANSION, AMOUR !

« De notre grabat, en notre ville de Paris, la grande Edda de la terre, ce premier jour de l’an premier de l’Ère Evadam.

« De notre âge, la trente-troisième année.

« LE MAPAH ».

(Imprimerie de Pollet, Soupe et Guillois, rue Saint-Denis, 380, passage Lemoine.)

Le pauvre Mapah était persuadé qu’il avait fondé une religion, qu’il était le Christ moderne et que l’humanité allait rejeter tous les dogmes, toutes les morales, pour venir s’abreuver aux sources de sa parole et se convertir au grand Evadam. Innocentes rêveries d’un cerveau mal équilibré, qui faisaient sourire les indulgents et indignaient les fanatiques. Bien d’autres ont lâché des professions de foi aussi amphigouriques et ont cru qu’il suffisait de quelques phrases incompréhensibles pour changer les conditions de l’âme et de l’entendement. Parfois, le ministre de la Justice prenait une humeur maussade, et ces pauvres diables d’apôtres en chambre étaient envoyés devant la police correctionnelle. Les journaux en parlaient et ça leur faisait une notoriété qui durait, comme les roses, « l’espace d’un matin ».

Le seul procès de ce genre qui, pendant le règne de Louis-Philippe, ait eu du retentissement, est celui des saint-simoniens (1832). La Cour d’assises entendit « la parole » de Charles Lambert, d’Henri Duveyrien, de Michel Chevalier et du Père. Le jury en fut tellement ennuyé qu’il rendit un verdict qui entraîna, pour Enfantin et Michel Chevalier, une condamnation à une année d’emprisonnement. Quelques jours avant d’entrer à Sainte-Pélagie, le Père fit imprimer la lettre suivante, qui fut envoyée à tous les disciples ; là aussi nous retrouvons ces différences de caractères typographiques qui semblent avoir été chères aux dieux nouveaux.

« Ménilmontant, 12 décembre 1832.

« Au nom de Dieu, qui veut aujourd’hui l’Égalité de l’Homme et de la Femme ;

« Je demande à tous ceux qui m’aiment ou qui m’ont aimé comme Père, pour la constance avec laquelle j’ai