Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 1.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de rhum, tu te lamentais en disant : « Comme ce grog est faible ! » Dans le savon tu n’appréciais que la blanchisseuse et, quand on te proposait de jouer ton « bon Dieu » en trente-deux points au billard, tu hésitais, quoique tu fusses passé maître en carambolage, et tu préférais jouer « la consommation ». Tu as rêvé le bonheur de l’humanité, ô Mapah ! et l’humanité ne t’a pas compris ; tu n’as pas été un des heureux de ce monde ; souvent tu n’as pas eu autant d’eau-de-vie que tu en aurais souhaité, mais l’abus du veau avait lénifié tes humeurs et jamais on ne t’a entendu maudire tes frères en Evadam. J’ai bien des paperasses qui viennent de toi, fruit de l’intensité de tes rêves, expansion de ton cœur infini ; j’en citerai une, ô Mapah ! et je la reproduirai avec tes facéties typographiques, afin de faire comprendre l’énormité de ton cerveau.

« BAPTÊME — MARIAGE.
« LA DOULEUR EN L’INITIATION.
« L’AMOUR, LA RÉVÉLATION.

« Il n’était que poussière et néant ; une larme d’amour, tombée du sein de la mère, l’a fait vie et lumière.

« Aujourd’hui, quinze août mil huit cent trente-huit, jour de l’Assomption de la Vierge Marie, et le premier jour de l’Ère Evadam.

« Marie n’est plus la Mère : Elle est l’Épouse ;

« Jésus-Christ n’est plus le Fils : Il est l’Époux.

« L’ancien monde (compression) finit ;

« Le nouveau monde (expansion) commence.

« Les temps sont accomplis ; le sacrifice d’amour est consommé, la femme a enfanté, dans la douleur, son fils bien-aimé.


« Ô MA MÈRE !

« Toi qui m’es apparue en me disant :

« Je n’étais que ta mère ; j’ai voulu être ta mère et ta fiancée ; voilà pourquoi je suis morte et ressuscitée !

« Toi qui m’as apporté la révélation du grand Lingam ;

« Toi qui m’as dit : Marie veut dire Mariage, Évangile, Ève en Germe.


« GRANDE MÈRE POUR L’HUMANITÉ,

« Mon cœur, océan de vie, de douleur et d’amour, est la grande coupe de la nouvelle alliance où sont tombées tes