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soli[1], disciple de Cavour, homme instruit, aimable, un peu gourmé et affectant volontiers la froideur anglaise qu’il croyait de bon ton pour un diplomate. Il était populaire en Italie, car, avec Cernuschi et Carlo Cattaneo[2], il avait été, au mois de mars 1848, un des chefs de l’insurrection qui chassa momentanément les Autrichiens de Milan. Visconti, qui, je crois, ne se faisait point d’illusion sur les forces militaires que l’Italie possédait alors, qui n’aimait guère Napoléon III, avec lequel il avait dû signer la convention de septembre 1864, qui avait été contraint de s’arrêter sur les rives de l’Arno, lorsque le but visé était sur les bords du Tibre, Visconti ne se souciait point de s’unir sans compensation à la France, et peut-être désirait-il réserver son action, afin de se la faire acheter au prix de Rome elle-même.

Il avait donc confié une mission secrète à Minghetti[3], qui s’était rendu à Vienne pour établir, en cas de guerre franco-allemande, un pacte de neutralité entre l’Autriche et l’Italie. Toutes deux devaient rester l’arme au pied, regarder le combat et n’y point prendre part.

Pendant que Minghetti représentait le gouvernement italien auprès du comte de Beust et lui transmettait les désirs du président du Conseil des ministres, le comte Vimercati, accrédité mystérieusement à Schœnbrunn auprès de l’empereur François-Joseph, lui apportait la pensée et les propositions du roi Victor-Emmanuel, qui était un soldat, aimait à entendre parler la poudre et avait voué un vif sentiment de gratitude à Napoléon III. Le roi d’Italie demandait à l’empereur d’Autriche de grouper, pour la première fois depuis longtemps, leurs armées dans une action commune, de rassembler chacun 150 000 hommes, et avec ces 300 000 soldats, marchant sous le commandement de leurs souverains, de tomber à revers sur la Prusse pendant que la France l’attaquait de front. Ces deux négociations si opposées se poursuivaient simultanément à l’insu l’une de

    de l’illustre poète. Membre de la Chambre des députés sarde, partisan de Cavour. Sénateur en 1869. (N. d. É.)

  1. Ricasoli (Bettino, baron), 1809-1880. Député au Parlement national de 1860, y soutint la politique de Cavour, auquel il succéda à la présidence du Conseil (1861-1863). (N. d. É.)
  2. Cattaneo (Carlo), 1801-1869. Professeur et homme politique républicain. (N. d. É.)
  3. Minghetti (Marco), 1818-1886. Homme politique, ami de Cavour. Ministre de l’Intérieur en 1861, président du Conseil en 1863 et en 1873-1876. (N. d. É.)