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originales du procès[1], il répandit de la clarté sur quelques points que l’on avait eu intérêt à laisser dans l’ombre. Il se prit d’amitié pour moi ; j’allais le voir souvent dans son entresol de la rue de la Ferme-des-Mathurins que l’on nomme actuellement la rue Vignon. Un jour, il me dit : « J’ai conservé bien des dossiers relatifs aux affaires politiques que j’ai eues à instruire ; ils contiennent des faits peu connus et intéressants pour l’histoire contemporaine ; il faudra que je vous les donne. » Et il me les donna. C’est ainsi que je possède les dossiers « bonapartistes » de l’affaire Zaba, novembre 1831 ; de l’affaire Laity, juin 1838 ; de l’affaire Crouy-Chanel, novembre 1839 ; de l’affaire Ollivier, mars 1840 ; de l’affaire de Boulogne, août 1840. Ce dernier dossier est incomplet.

Le prince Louis n’a pas seulement échoué dans sa tentative, il a été vendu. M. Zangiacomi me disait : « Thiers a fait pour le prince Louis ce qu’il avait fait pour la duchesse de Berry, il l’a acheté. » Le prétendant s’en doutait ; lorsqu’il fut élu président de la République, il voulut s’assurer si ses soupçons étaient fondés ; il se fit remettre son dossier par M. Zangiacomi et, en sa présence, détruisit les lettres qui compromettaient trois de ses anciens compagnons qu’il me serait facile de nommer. Il ne leur garda point rancune, car chacun de ces hommes, qui avaient été en correspondance avec M. Thiers, président du Conseil, avec Gabriel Delessert, préfet de Police, avec Charles de Rémusat, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, occupa d’importantes situations pendant le Second Empire. Ces dossiers, perçant à jour les menées bonapartistes, d’autres dossiers résultant de l’instruction faite contre des régicides, contre la Société des Communautaires, contre des associations républicaines, que je dois à la bonne grâce de M. Zangiacomi, me permettent de parler avec certitude de quelques événements dont les contemporains n’ont eu qu’une connaissance imparfaite[2].

Le complot, dont Zaba était le principal agent à Paris et que le prince Louis dirigeait de Londres, avait pour objet de provoquer un mouvement militaire qui, à Louis-Philippe, roi constitutionnel, aurait substitué Napoléon II proclamé empereur. Le duc de Reichstadt connaissait-il les efforts

  1. Archives nationales, B. VI, 854 à 880.
  2. Ces dossiers ont été déposés par moi à la réserve de la bibliothèque de l’Institut et font partie de Mon Portefeuille.