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disparut et la guerre fut déclarée. Lorsque, le 15 juillet, Ollivier, forcé dans ses dernières allégations, fut contraint de lire à la tribune les télégrammes de Benedetti, Horace de Choiseul s’écria : « Mais on ne peut pas faire la guerre là-dessus. » Horace de Choiseul avait raison.

Ce fut le 15 juillet, vers six heures du soir, qu’en Conseil des ministres réuni à Saint-Cloud la déclaration officielle de guerre fut signée par l’Empereur, plus attristé que jamais et courbant les épaules, comme s’il eût déjà senti sa destinée s’écrouler sur lui. L’Impératrice eut un accès de joie folle, auquel succéda une crise nerveuse, accompagnée de larmes et de sanglots. Au lieu des palmes triomphales que jusqu’alors son rêve aimait à contempler, elle avait peut-être aperçu le linceul de la défaite. Elle ne fut pas la seule à avoir un pressentiment de l’avenir. Six ans après, en 1876, Ollivier m’a raconté son retour de Saint-Cloud en voiture avec le duc de Gramont. « Nous traversions le Bois de Boulogne ; il me sembla entendre le bruit des obusiers qui bombardaient Paris et voir les chevaux des uhlans attachés aux arbres. » Puis, levant les bras vers le ciel, comme pour le prendre à témoin de ce qu’il allait dire, il s’écria : « Je suis un voyant, moi ! » Voyant ou visionnaire ?

Je n’ajouterai qu’un mot pour faire comprendre avec quelle légèreté nos ministres conduisirent cette aventure Hohenzollern : la déclaration de guerre fut remise le 19 juillet 1870, à une heure et demie de l’après-midi, au comte de Bismarck ; c’est la seule communication officielle que le Cabinet de Berlin ait reçue du gouvernement français, depuis l’origine de cette affaire jusqu’au dénouement.