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« Dubois, lieutenant au 7e régiment de cuirassiers à Nancy, a promis à Zaba la coopération de son régiment.

« Bruce, colonel au 3e régiment en garnison à Lunéville, a fait la même promesse.

« Bracq, colonel qui commande le dépôt à Metz, s’est également engagé.

« Le général polonais Ramorino doit se mettre à la tête du mouvement à Strasbourg.

« En conséquence de tous ces faits, nous déclarons rendre plainte contre les dénommés, etc., etc.

« Au Parquet, ce 25 novembre 1831. — Dumortier. »

Zaba fut arrêté ; il comparut dans le cabinet de M. Désiré Leblanc, juge d’instruction, où il fut interrogé par Persil, qui alors était procureur général. L’inculpé fit des demi-aveux, les rétracta, sembla promettre de donner des renseignements importants, expliqua d’une façon maladroite les lettres qu’il avait écrites, feignit d’ignorer la valeur d’une clef de correspondance secrète trouvée à son domicile et, en résumé, sut maintenir l’instruction dans une indécision dont on le laissa volontairement profiter. On ne se souciait guère, en effet, de démontrer par un procès public que l’idée napoléonienne était vivace encore ; on redouta l’émotion ; on craignit de porter atteinte au prestige d’une monarchie à peine établie en France et encore discutée en Europe ; de plus, des généraux, des colonels étaient compromis ; c’était l’esprit même de l’armée, le principe de l’obéissance passive qui pouvaient se trouver ébranlés dans un débat public, en Cour d’assises, devant le jury ; on peut croire que des ordres supérieurs intervinrent ; l’instruction fut brusquement interrompue ; il n’y eut même pas ordonnance de non-lieu et le dossier de l’affaire fut « classé ».

Je dois dire comment ces faits sont venus à ma connaissance. Le magistrat qui, pendant la durée du règne de Louis-Philippe, fut presque toujours chargé de l’instruction des complots politiques était M. Zangiacomi, homme intègre, perspicace, doué d’une haute intelligence et d’une finesse redoutable. Sur la fin de sa vie, alors qu’il était conseiller à la Cour de Cassation et qu’il avait été sénateur du Second Empire, j’entrai en relation avec lui par l’intermédiaire de Morio de Lisle, son gendre. J’eus souvent à le consulter et à interroger ses souvenirs, lorsque j’écrivis l’histoire de l’attentat de Fieschi ; car, quoique j’eusse étudié les pièces