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signe négatif de Casimir Perier, il reprit : « J’en suis étonné ; on m’avait dit, je croyais savoir qu’une femme qui ne doit pas rester inaperçue avait traversé Paris hier. » Casimir Perier répondit : « Si Votre Majesté fait allusion à la personne que son aide de camp a été voir à l’hôtel de Hollande, qu’il a amenée ici, que le roi, la reine et la princesse Adélaïde ont daigné entretenir pendant une partie de la soirée, c’est par mon ordre que son nom ne figure pas sur la feuille de police. » Louis-Philippe se mit à rire : « Allons, mon cher ministre, je vois que l’on ne peut rien vous cacher. » Casimir Perier reprit : « Le roi a sans doute reçu la visite du prince Louis. » Louis-Philippe répondit : « Non, ce pauvre garçon est malade et forcé de rester à la chambre. » Casimir Perier, de son air le plus rogue, dit alors : « Sire, ce jeune homme ne reste point à la chambre ; il est sorti hier au soir à neuf heures et n’est rentré qu’à cinq heures ; dans l’intervalle, il a assisté à trois conciliabules de sociétés secrètes et il a eu une longue conférence avec un Polonais nommé Zaba. » Le roi resta pensif pendant un instant, puis il dit : « S’il en est ainsi, il est bon que les passeports soient promptement expédiés. » Casimir Perier répliqua : « La duchesse de Saint-Leu doit les avoir reçus à l’heure qu’il est ! » Guizot fait allusion, dans ses Mémoires, à cette anecdote que je tiens de l’abbé Guelle, confesseur de la reine Marie-Amélie, qu’il suivit dans l’exil, au château de Claremont ; il l’avait entendu raconter au roi Louis-Philippe. On conspirait, cela n’est point douteux ; la duchesse de Saint-Leu fournissait quelque argent ; le prince Louis, initié en Italie à l’art des complots, s’essayait au rôle qu’il devait jouer plus tard avec persévérance. Casimir Perier ne s’était point trompé en désignant Zaba ; cet homme était surveillé ; on acquit la certitude qu’il était un agent de perturbation, et un mandat d’amener fut décerné contre lui, en vertu du réquisitoire que voici et que je cite intégralement, car on y relate des faits qui furent peu connus lorsqu’ils se produisirent et qui sont oubliés aujourd’hui :

« Le procureur du roi près le tribunal de première instance de la Seine expose les faits suivants :

« Une conspiration paraît avoir été ourdie, dans le but de changer le gouvernement du roi en faveur de Napoléon II.

« Les auteurs principaux paraissent être Louis Bonaparte et la reine Hortense ; les agents secondaires, les nommés :