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de secrétaire, près de la sous-commission des communes, à laquelle j’appartenais, était Flourens[1] ; il est actuellement ministre des Affaires étrangères et s’est habilement tiré de deux ou trois incidents désagréables que la mauvaise humeur de la bureaucratie prussienne lui a récemment fait traverser. C’était alors un grand garçon, pâlot, triste, dont l’air boudeur et l’attitude indécise n’avaient rien de séduisant. On était néanmoins fort courtois envers lui et on le plaignait, car son frère, aliéné-révolutionnaire, s’ingéniait à des sottises compromettantes. Les sottises allèrent si loin qu’il fut incarcéré et que notre secrétaire donna sa démission. On lui témoigna de la sympathie, mais, à coup sûr, celui qui, à cette époque, nous eût prédit que ce garçon humble et rechigné aurait le portefeuille des Relations extérieures, serait en conflit avec le prince de Bismarck et remporterait une victoire diplomatique, nous eût remplis d’étonnement.

La commission de décentralisation se dispersa quand elle eut terminé ce qu’elle appelait ses travaux ; que valaient-ils ? Je ne m’en doute pas et n’en saurais rien dire. Les légitimistes, comme le comte de Mortemart[2], les orléanistes, comme Prévost-Paradol, les impérialistes, comme le duc d’Albufera[3], les républicains, comme l’avocat Desmarest[4], les hommes à toutes mains, comme Target[5], Latour-Dumoulin[6], Guillaume Guizot, Genteur[7], Dupont-White[8] et tant d’autres, les indifférents comme moi se saluèrent, après avoir entendu une allocution d’Odilon Barrot, et

  1. Flourens (Léopold-Émile), 1841-1920. Conseiller d’État sous le Second Empire, ministre des Affaires étrangères de 1886 à 1888. Son frère, le révolutionnaire Gustave Flourens (1836-1871), membre de la Commune de 1871, fut tué au cours d’un combat entre Versaillais et fédérés. (N. d. É.)
  2. Mortemart (Anne-Victorien, comte de), 1806-1885. Député à l’Assemblée législative de 1849 et au Corps législatif (1852-1856). (N. d. É.)
  3. Albufera (Louis-Napoléon Suchet, duc d’), 1813-1877. Fils du maréchal Suchet. Député de 1852 à 1856. (N. d. É.)
  4. Desmarest (Eugène), 1815-1872. Avocat, membre de l’opposition libérale, député à l’Assemblée nationale de 1871. (N. d. É.)
  5. Target (Paul-Léon), 1821-1872. Journaliste d’opposition, membre de l’Assemblée nationale de 1871. (N. d. É.)
  6. Latour-Dumoulin (Pierre), 1823-1886. Homme politique et publiciste, directeur général de l’imprimerie, de la librairie et de la presse sous l’Empire, député de 1853 à 1870. (N. d. É.)
  7. Genteur (Simon), 1815-1882. Avocat et administrateur, préfet de l’Allier en 1856, secrétaire général de Victor Duruy en 1863. (N. d. É.)
  8. Dupont-White (Charles), 1807-1878. Économiste. (N. d. É.)