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est la découverte authentique des organisateurs des incendies dont on a voulu empêcher de publier les noms. » Puis il ajoute en grosses capitales : « On signale MM. de Polignac, de Latil et Tharin[1]. » On prétendit aussi que le roi fugitif avait emporté les diamants de la couronne ; on a accusé du même méfait le roi Louis-Philippe et l’impératrice Eugénie, ce qui n’empêche pas que l’Assemblée nationale vient de décider (juin 1882) que ces diamants, toujours volés, jamais enlevés, seraient en partie vendus au profit d’une caisse des invalides civils[2]. La calomnie est l’arme favorite, l’épée de chevet des partis ; je n’ai pas connu une faction politique, triomphante ou domptée, qui n’en ait fait abus.

Ce n’est pas seulement le peuple, l’ouvrier des faubourgs,

La grande populace et la sainte canaille


qui « se ruèrent à l’immortalité », comme disait Auguste Barbier, l’homme le plus dévot qui se soit assis sous la coupole de l’Institut ; la bourgeoisie tint sa place à l’orchestre de ce charivari. La jeunesse libérale, frottée de carbonarisme, opposant Voltaire à Loyola, énervée à force de répéter les chansons de Béranger, aspirant à la liberté, regrettant les gloires de l’Empire, persuadée que les Bourbons brisaient les ailes de sa destinée militaire, se jeta dans l’aventure, l’emporta d’assaut et fut déçue de ses espérances. Des gens qui eurent de la notoriété et qui devinrent des hommes d’ordre et de préservation sociale, aussitôt qu’ils furent nantis d’une bonne position, combattirent au premier rang pendant les « Trois Glorieuses ». Désiré Nisard, qui est actuellement de l’Académie française, qui a été directeur de l’École Normale et qui a exercé de grandes charges universitaires, écrivait à Adenis de La Rozerie, sous-directeur des Menus Plaisirs :

  1. L’abbé Tharin était précepteur du duc de Bordeaux. Par suite d’une aberration ou d’une manœuvre politique que je ne m’explique pas, il fut, pendant le règne de Louis-Philippe, partisan d’un faux Louis XVII qui se produisit en 1831, disait être connu sous le nom de comte de Richemont, prétendait être le duc de Normandie et cachait si bien son identité que l’on ne sut jamais, d’une façon positive, s’il s’appelait Hébert-Giovanni de France ; baron Augustin Picted-Legros ; baron Bernard ; comte de Saint-Julien ; colonel Lemaître ; Henri de Transtamare ; prince Gustave ou baron de Richemont. Il paraît cependant probable qu’il se nommait Henri-Éthelbert-Louis-Victor Hébert.
  2. Diamants de la couronne : la vente a été effectuée, pour une certaine partie, au printemps de 1887.