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ajournement indéfini de la question ; François de Neufchâteau est très-affirmatif : « J’ose dire que la France ne supportera pas en ce moment une innovation qui paraîtrait toucher aux dogmes religieux ; quoique nous soyons dans le siècle de la philosophie, le peuple n’est pas encore philosophe. » L’assemblée fut plus sage que le futur ministre. Elle comprit que l’état civil et les dogmes religieux n’avaient aucun point de contact, et elle rejeta la motion « comme injurieuse au peuple français ».

Le 18 juin, on revient à l’élaboration de cette loi qui semblait hésiter à se formuler. Pastoret avait parlé avec beaucoup de sagesse en faveur des municipalités, lorsque Gohier, le même qui devait être un des chefs du directoire au 18 brumaire, fit un discours qui mérite de ne point être oublié, car il prouve à quel degré d’aberration l’influence des milieux peut entraîner les esprits les plus calmes. La simple transcription des actes de la vie civile semble à l’orateur manquer de dignité, il veut un peu plus de cérémonie ; on constatera la naissance en déposant l’enfant sur l’autel de la patrie, et les parents s’engageront pour le nouveau-né « à vivre libre ou mourir ». Pour les mariages, la formule est la même : « Que les deux époux, dans ce moment intéressant, annoncent eux-mêmes que les plus doux sentiments de la nature ne leur font point oublier qu’avant d’être l’un à l’autre ils appartiennent à la patrie, et que le vœu matrimonial soit scellé du cri : Vivre libre ou mourir ! » On ne pouvait de bonne foi constater un décès par de telles acclamations ; mais Gohier tourne facilement la difficulté, et il exige « que le grand homme soit placé au Panthéon, tandis que le traître sera traîné à la fange et livré à l’exécration publique. » Quoique l’assemblée, électrisée par cette niaise rhétorique, ait voté l’impression du discours, elle adopta des