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appartiendra : avenir sans horizon, dont la durée ne sera qu’éphémère, mais qui lui permettra du moins d’essayer de marcher dans son rêve et lui donnera le temps de produire des maux incalculables. Les décrets sont libellés, il ne s’agit plus que de les signer au jour du triomphe : « Déclarons la dissolution de toute police ; mettons la surveillance à la vigilance de chaque citoyen ; déclarons l’abolition des codes, lois et décrets existants, l’abolition de la magistrature, et remplaçons les institutions existantes, cour d’assises, tribunal correctionnel, etc., par un tribunal populaire ; abolissons les impôts directs et indirects et les remplaçons par une taxe sur la fortune et la propriété ; déclarons l’abolition de l’armée permanente[1]. » De tels projets mis à exécution, revêtus d’une légalité farouche qui peut sortir inopinément des urnes électorales, briseraient immédiatement tout ressort de civilisation, et Paris agonisant n’attendrait plus que l’heure de sa mort.

Ce n’est pas là un des moindres périls qui nous menacent ; il est contenu dans notre constitution sociale, et il a été créé par ceux qui, après l’échauffourée de février 1848, ont cru, un peu naïvement, s’attacher à jamais le dévouement des classes populaires. La diversité des moyens proposés pour « liquider la société » sera seule un moyen de salut, si jamais cette heure funeste doit sonner. Pendant que les chefs du mouvement se disputeront et vanteront les uns contre les autres l’application de leurs théories personnelles, les forces vives du pays — les forces conservatrices — auront peut-être le temps de se reconnaître, de s’organiser et d’entrer de haute lutte dans cette détestable arène. C’est ce qui s’est passé sous la Commune. Pendant que les énergumènes de l’Hôtel de Ville et des comités, aveu-

  1. Voir la Gazette des Tribunaux du 23 avril 1874, p. 290.