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Pape ; leur Jérusalem céleste était bâtie à l’image de la Rome orthodoxe ; ils construisaient une pyramide sociale et se plaçaient naturellement au sommet. Comme ils étaient « toute la vérité », eux aussi se sentaient infaillibles ; par conséquent, ils repoussaient la discussion, supprimaient la liberté mauvaise conseillère et invoquaient au besoin le bras séculier, c’est-à-dire l’autorité armée de lois et de gendarmes, pour faire respecter leurs décisions. L’un d’eux, un homme d’une intelligence extraordinaire et d’un grand cœur, m’a dit souvent : « Il faut savoir violenter l’humanité pour la rendre heureuse. »

L’autre courant est issu des doctrines émises par une association dont on a beaucoup parlé depuis quelques années : l’Internationale ne fait acception ni de race, ni de pays ; elle ne tient compte ni des caractères différents, ni des mœurs diverses, ni du climat, ni des religions ; dans le genre humain, elle ne voit qu’un ordre de créatures, le Prolétariat, auquel elle veut donner les autres classes en pâture. Cela est net. Les principes socialistes, mal digérés, commentés par des esprits vulgaires et présentés d’une façon très-incomplète, ont développé chez les ouvriers les instincts matériels et le dédain de la liberté ; par d’autres moyens, les prédications de l’Internationale sont arrivées au même résultat.

Le peuple ne parle pas, il n’a donc pas besoin d’orateurs ; il ne lit pas, il n’a donc pas besoin de journaux : la liberté de la tribune et la liberté de la presse sont inutiles ; en outre, comme les doctrines préconisées peuvent n’être pas du goût de ceux contre lesquels on compte les faire prévaloir, on les appliquera par la force, — si veut le roi, si veut la loi. — Mais ces préceptes ont une action désespérante, car ils suppriment l’idée de patrie. La patrie de l’ouvrier, c’est désormais sa caste, n’importe où il se trouve ; le prolétariat de