Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dant, car l’insurrection de juin 1848, la Commune de 1871 avaient pour but et auraient eu pour résultat, si elles avaient triomphé, d imposer l’application de ces idées. D’où viennent celles-ci ? De deux courants contraires qui se sont rencontrés et ont produit ce marécage où, comme l’on dit vulgairement, on essaye de pêcher en eau trouble.

Le premier a été formé par des fragments de doctrines ramassés au hasard à travers les œuvres contradictoires de Saint-Simon, de Fourier, de Cabet et des autres dieux qui cherchèrent à fonder des religions nouvelles. Leur théorie de l’égalité de l’homme et de la femme, de la science et de l’industrie, de l’art et du commerce, de l’esprit et de la matière, les entraînèrent forcément vers un matérialisme plus apparent que réel, mais qui séduisit avec rapidité des hommes mécontents de leur condition et aspirant à y échapper. Ce courant aboutit nécessairement à la négation de toute liberté. Au temps de ma jeunesse, j’ai côtoyé de fort près ces novateurs et j’ai conservé pour quelques-uns d’entre eux un sentiment de profonde vénération ; au fond, tous étaient des prêtres. Que leur devise ait été celle des fouriéristes : « à chacun selon ses besoins ; » qu’elle ait été celle des saint-simoniens : « à chacun selon sa capacité ; à chaque capacité selon ses œuvres, » — tous, sans exception, étaient des autoritaires. Lorsque Cabet tenta l’organisation pratique de son système en Amérique, il interdisait de fumer dans les rues d’Icarie, parce que l’odeur du tabac lui était désagréable.

Leur idéal était tout fait, et, sans peut-être qu’ils s’en soient nettement rendu compte, ils n’en ont jamais eu d’autre : ils avaient modelé l’État de leur rêve sur le catholicisme, sur cette hiérarchie universelle, très-bien pondérée et tenue en équilibre par le dogme de l’obéissance passive ; dans leur pensée, ils se substituaient au