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en présence de cette masse énorme de corps de métiers qui sont nécessaires dans une ville comme Paris, et qui font vivre tout un peuple ; là le procédé est autre et l’on résout d’une façon arbitraire le problème du « droit au travail ». Pour les rêveurs qui nous occupent, un métier est une propriété analogue à un immeuble, il doit rapporter tous les ans une somme déterminée ; afin de parvenir à ce résultat qui semble chimérique, le métier ne sera mis en œuvre que par un nombre limité d’individus, de façon que le travail et par conséquent le gain soient exclusivement assurés à ceux qui auront obtenu de l’exercer. — Pour bien faire comprendre le mécanisme de cette conception, je prendrai un exemple. — On calculera, je suppose, le nombre de menuisiers qui sont nécessaires aux besoins de Paris ; on le fixera à 1 500, et l’on décrétera qu’il n’y aura à Paris que 1 500 menuisiers ; de sorte qu’ils n’attendront jamais le travail et que le travail les attendra toujours. Derrière eux, on autorisera une compagnie d’apprentis qui participeront à la besogne, ne toucheront aucun bénéfice régulier et formeront la réserve des surnuméraires, où l’on choisira les remplaçants des ouvriers titulaires que la mort ou l’âge de la retraite auront atteints.

Au fond du cœur de plus d’un ouvrier parisien on pourrait voir s’agiter ce rêve, où l’on retrouve le souvenir des jurandes, des maîtrises, des corporations privilégiées du moyen âge, que 1789 a détruites. C’est là, jusqu’à présent, le plus clair de ces visées ; c’est à ce retour vers le passé, à cet effort rétrograde qu’aboutissent les prétendus essais de rénovation sociale par lesquels on leurre l’ouvrier, on le dégoûte de son métier, on l’entraîne à des tentatives qui n’ont encore produit que la ruine et dont il est le premier à souffrir. L’idée que l’individu est propriétaire exclusif de son métier et que nul autre que lui n’a le droit de l’exercer s’est