Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’intervalle qui sépare chacune de ces révolutions, la population de Paris s’est accrue dans de larges proportions, et s’est recrutée de plus en plus parmi les éléments externes. Ensuite, plus le peuple de Paris a prouvé que sa force obtuse était facile à remuer et redoutable à combattre, plus il est devenu l’objet des flatteries intéressées, des humbles et abjectes caresses de ce troupeau d’ambitieux médiocres qui cherchent à escalader le pouvoir par les chemins détournés de la popularité :

La popularité, c’est la gloire en gros sous,


a dit Victor Hugo ; cela leur importe peu : quelle que soit la monnaie, ils la sollicitent et l’acceptent.

Nous n’en sommes plus aujourd’hui aux beaux jours de 1848, où, publiquement, à la tribune de l’Assemblée, les dieux modernes expliquaient leurs théories ; où l’on inventait des commissions stériles, qui devaient « organiser le travail » ; où Pierre Leroux, Victor Considérant, Cabet essayaient d’arriver légalement et par la persuasion à la réalisation de leurs rêveries. À ce moment, qui sera une date très-curieuse de notre histoire, ces délégués du socialisme avaient été choisis dans l’espoir qu’ils sauraient formuler les aspirations confuses dont les masses sont tourmentées ; ce bel espoir a été déçu, et maintenant le peuple de Paris veut expliquer et appliquer lui-même ses idées. La différence est notable et peut s’exprimer d’un mot : en 1848, on voulait obtenir ; à cette heure, on veut prendre.

L’orgueil du peuple de Paris[1] et la confiance qu’il

  1. Il y a longtemps que l’orgueil du peuple de Paris — cet orgueil léonin — a été signalé par les historiens ; lorsque Charles VI rentra dans sa capitale après la révolte des Maillotins et la victoire de Roosebeke, le religieux de Saint-Denis dit, en parlant des seigneurs qui accompagnaient le roi : « Super portas pertranseuntes, quasi leoninam civium superbiam conculcarent, regem usque ad ecclesiam Nostre Domine lento gressu perdureront. » Relig. de St-Denis, t. I, liv. III, p. 234.