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qu’ils entrevoient bien plus qu’ils ne les comprennent, ils mêlent ensemble les paradoxes et les sophismes, les théories inconciliables et les mensonges les moins déguisés ; puis, quand ils ont versé tous ces ingrédients hétérogènes, ils soufflent le feu à outrance ; la chaudière éclate, le laboratoire est lézardé, et la société tombe en stupeur. Lorsque ce désastre se produit, on en paraît fort étonné, ce qui n’empêche pas que l’on ne recommence quelques années plus tard. On dirait que chaque génération a droit à une révolution et qu’il faut qu’elle la fasse, dût-elle en périr. Ces sortes d’expérimentations sont ruineuses et toujours décevantes ; qu’a-t-on gagné en juillet 1830, en février 1848, en septembre 1870, en mars 1871 ? Rien, si ce n’est des espérances forcenées, l’absence de toute conviction sérieuse et la déshabitude de la vie régulière, ce qui n’est pas sain pour les peuples.

De toutes ces commotions, il se dégage un fait particulièrement douloureux et qui pourra avoir des conséquences redoutables sur les destinées du pays : le moyen le plus rapide d’être ministre et d’obtenir sans stage, sans éducation préalable, la direction des affaires publiques, c’est d’être de l’opposition quand même. Dans la pensée secrète de ces hommes, les droits qu’ils réclament, les améliorations qu’ils proposent ne sont que des armes pour combattre le gouvernement, des leviers pour le renverser, des manœuvres pour s’en emparer. — Si la politique est ainsi, c’est la plus méprisable des mystifications.

C’est au nom de la liberté, — de la plus grande des choses humaines, — que parlent ces prétendus chercheurs de panacée universelle et de précipités démocratiques ; mais pour eux la liberté n’est pas un but, elle n’est qu’un moyen ; ce qui le prouve, c’est que toutes les fois qu’on l’a obtenue, on s’en est servi pour