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terrible ; Troyes n’était en quelque sorte qu’une étape ; le but poursuivi était l’anéantissement de Paris ; aussitôt les bourgeois font le guet dans les rues et s’empressent « d’estoupper les soupiraux des caves ». Cette terreur dura longtemps, et les feux accoutumés de la Saint-Jean furent interdits en place de Grève ; de même, après la Commune et pendant quelques jours, il ne fut point prudent d’enflammer une allumette dans les rues : l’auteur de cette étude a vu tirer sur un fumeur qui, abrité dans l’angle d’une porte, allumait paisiblement son cigare.

Ces faits et tant d’autres qu’il serait facile d’énumérer prouvent que l’humanité suit imperturbablement la même route, et qu’il est injuste de reprocher exclusivement à son époque les fautes que toutes les autres ont commises aussi. Cela n’empêche pas les hommes désœuvrés ou peu réfléchis de broder perpétuellement des variations sur la phrase de Sénèque : Quæ fuerunt vitia mores sunt : les vices d’autrefois sont les mœurs d’aujourd’hui. — On parle sans cesse, par exemple, de l’insouciance de nos ouvriers qui, une fois la paye reçue, vont la dépenser au cabaret, prolongent les jours de chômage, et ne rentrent à l’atelier que la bourse vide. Certes, c’est là un thème fertile en sérieuses réflexions, et l’on ne fera jamais trop d’efforts pour amener les artisans à la grande vertu domestique, qui est l’économie. Mais l’on se trompe en pensant que ce vice est particulier à notre état social. « L’ouvrier qui gagne quatre livres dix sous veut gagner six livres, dit Barbier dans son Journal, et il est quatre jours sans travailler, à manger son argent. » Cette indifférence, cet attrait vers le plaisir, cette braverie de l’artisan parisien avaient déjà été remarqués par un voyageur anglais qui visita Paris pendant le règne de Louis XIV. « Il n’y a pas au monde, dit-il, un peuple plus industrieux et