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que l’épouvantable banqueroute de la rue Quincampoix.

Le jeu nous dévore, dit-on ; il ruine les familles, il entraîne les jeunes gens à des actions répréhensibles ; de plus d’un l’on peut dire ce que Saint-Simon écrivait sur le duc d’Antin : « Fort heureux au jeu et très-soupçonné d’y aider. » C’est un danger public, et les tribunaux ont dévoilé à cet égard un abîme de corruption que l’on ne soupçonnait pas. Qui le nie ? Dans les cercles, dans les maisons particulières, dans les tripots clandestins, on joue avec une passion excessive que l’on rendrait immédiatement cent fois plus dangereuse si l’on rétablissait les jeux publics, comme certains personnages n’ont pas craint de le demander. Ce vice n’est point nouveau. La bassette, la cavagnole, le lansquenet peuvent marcher de pair avec le baccarat, qui est fort à la mode en ce moment. Il y a peu d’années, une partie se solda par une perte de 1 200 000 fr. ; on se rappelle les clameurs qui furent poussées ; on ne parlait de rien moins que de faire intervenir le gouvernement et de clore à jamais le cercle où pareil scandale s’était produit. Madame de Sévigné est une âme douce et point médisante ; elle écrit, le 18 décembre 1678 : « Pour revenir à la bassette, c’est une chose qui ne se peut représenter ; on y perd fort bien cent mille pistoles en un soir. » Et elle ajoute : « Monsieur a mis toutes ses pierreries en gage[1]. — Le roi a commandé à M. de Cessac

  1. De tels errements ne cessèrent pas à la mort de Louis XIV : « C’est un état que d’être joueur, dit Montesquieu ; ce seul titre tient lieu de naissance, de biens, de probité. » Sous la régence, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, le jeu fait fureur. Mercy d’Argenteau écrit à Marie-Thérèse, en date du 18 novembre 1780 : « Le marquis de Chabre, officier dans les gardes du corps et très-gros joueur, avait débuté par gagner 18 000 louis, et il en avait perdu 30 000 à la fin du voyage (à Marly)… Il s’est commis au salon des friponneries scandaleuses, au point qu’il a été volé dans la poche du comte de Dillon un portefeuille qui contenait pour 500 louis de billets de banque. (Voir Marie-Antoinette, correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le comte Mercy d’Argenteau ; A. Arneth et A. Geoffroy, t. III, p. 485 et 490. Presque