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phores gothiques, rien ne l’étonne, et il admire. C’est que, malgré sa mobilité douloureuse, le Parisien est atteint d’une servilité intellectuelle qui pourrait bien être une maladie engendrée par son incurable paresse pour ce qui touche aux choses de l’esprit ; les étrangers s’y trompent ; parce qu’il est bavard, ironique, expansif, on croit qu’il a un esprit d’initiative très-développé et des hardiesses de conception très-actives ; erreur : en art, en politique, en littérature, en médecine, en histoire, il se traîne dans les ornières dont il a peur de sortir.

Ces grands mots, il faut le reconnaître, ne sont pas toujours inutiles, et jadis ils ont conduit le Parisien à la victoire. Il aime la bataille, et, comme le cheval de Job, il tressaille au son des trompettes. Très-vantard, du reste, intrépide dans le succès, il est accablé par la défaite et perd toute énergie. Un général qui commanderait une armée exclusivement composée de Parisiens pourrait obtenir des triomphes extraordinaires et peu prévus ; mais, en cas de revers, il n’aurait point une retraite à diriger, il n’aurait qu’une déroute à suivre. Tout historien impartial qui a parlé de nous a constaté le fait. D’où provient-il ? Certes, le peuple de Paris est un grand peuple ; il est intelligent, laborieux, économe, un peu trop amoureux de l’inconnu, aimant les grandes choses et cherchant à s’y associer : mais il a bien peu de sens commun ; il a pour lui l’esprit, l’ironie, la compréhension facile, le génie du perfectionnement matériel, l’élégance du travail : mais il est myope quand il regarde vers l’avenir, il est aveugle lorsqu’il se tourne vers le passé, il est sourd dès qu’il interroge l’histoire ; il ne raisonne pas, il sent ; il ne discute pas, il s’emporte ; il n’agit pas, il s’agite. C’est une agrégation nerveuse gouvernée par des impressions ; en un mot, il manque de caractère. Au début de la Révolution, Chamfort écrivait : L’Assemblée nationale a donné au peuple une consti-