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1870, en 1871, Paris, — je dirai plus, la société française — n’a pas sombré, c’est aux administrations parisiennes qu’on le doit ; lentement, prudemment, méthodiquement, elles ont fait rentrer le flot débordé dans le lit creusé par la sage tradition de l’expérience, et le fleuve de nos destinées a repris son cours. Ce que serait Paris sans ses administrations tutélaires, nous le savons ; car nous l’avons vu du 18 mars au 28 mai 1871.

C’est, en grande partie, à la badauderie du Parisien qu’il faut attribuer ces puériles récriminations, car cette badauderie est sans pareille ; un régiment passe, tout le monde le suit ; une voiture verse, tout le monde s’arrête ; oui : mais pendant le siège il a été de mode d’aller voir tomber les obus, et tout le monde y courait. Au mois d’avril 1871, Paris était lamentable : on se promenait mélancoliquement dans les Champs-Élysées, et, faute de mieux, on regardait Polichinelle et le commissaire se battre sur le théâtre de Guignol ; un projectile, évitant l’Arc de Triomphe, éclatait dans l’avenue ; chacun s’y précipitait et revenait tranquillement écouter les lazzis du fantoche. On fit plus : des bourgeois sérieusement vêtus, et patentés sans doute, gravissaient par curiosité les rampes de Montmartre, que les faiseurs de lieux communs du moment appelaient prétentieusement « le mont Aventin de l’émeute ! » Ils arrivaient jusqu’à la fameuse batterie que l’on a si facilement démontée, à l’heure du combat, avec quelques sacs de monnaie : ils regardaient les obusiers accroupis sur les lourds affûts, entraient en conversation avec les artilleurs fédérés, et, pour un ou deux francs, obtenaient de mettre le feu à la pièce chargée. — Je l’ai vu. — Pour faire du mal ? non pas ; pour faire du bruit et pouvoir se vanter d’avoir tiré un coup de canon, Ces mêmes gens avaient horreur des hommes de la Commune, mais ils s’étaient amusés pendant cinq minutes.