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elle crie à la persécution dès qu’on la touche, récite son in manus et en appelle au Dieu vengeur.

L’intrusion de la politique dans la religion a produit cet état de choses, qui est insignifiant en temps ordinaire, mais qui devient facilement redoutable lorsque les relations extérieures se compliquent de quelque difficulté. Ces faits, qui ne sont pas rares et ont souvent troublé le sommeil de nos diplomates, prouvent que le clergé renferme encore, selon l’expression de Montesquieu, des hommes « si dévots qu’ils sont à peine chrétiens », qu’il n’a rien abdiqué de ses prétentions, qu’il cherche à ressaisir son ancienne prépotence et qu’ayant charge de diriger les âmes, il se croit appelé à régenter toutes choses humaines. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il tente, ce rêve ne se réalisera pas ; son importance sera d’autant plus grande qu’il saura la limiter à son ministère spécial ; tout ce qui l’en fera sortir ne peut que l’affaiblir, et s’il se contente de prouver simplement par l’exemple que sa morale est supérieure à toute autre, il sera inattaquable.

La Réforme a mis fin au moyen âge, la liberté de conscience a clos l’ancien régime ; mais nous n’en sommes pas encore arrivés à cette liberté illimitée des cultes qui règne, sans péril, aux États-Unis d’Amérique. Paris aura-t-il un jour, comme New-York, sa rue des Églises, où toute secte, si étrange qu’elle soit, a le droit de s’affirmer et de se manifester publiquement ? Cela est probable, mais le temps n’est pas venu. La Renaissance a abouti à l’établissement des Jésuites et au que sais-je de Montaigne ; à quoi aboutira le scientifique dix-neuvième siècle ? Sans doute à la transformation du principe même de la divinité et à l’étude presque exclusive des phénomènes matériels.

Une nouvelle genèse des idées ne touchant en rien aux dogmes immuables de la morale éternelle disten-