Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vince, où les ressources matérielles sont à bon marché et que l’absence radicale de plaisirs rend économique à habiter.

On a essayé de lutter, par l’association, contre le renchérissement de l’existence ; on a réussi, jusqu’à un certain point, à faire concorder deux termes qui se combattent : l’extrême économie imposée par la moins-value croissante du numéraire et les besoins de luxe qui sont inhérents au caractère de la bourgeoisie parisienne. Pour parvenir à ce double résultat, on a créé les cercles ; il en existe quarante-six à Paris ; quelques-uns offrent tous les raffinements du confortable ; d’autres, beaucoup plus modestes, garnis de tables de marbre scellées dans le parquet à l’aide d’un pied en fer, rappellent l’aspect des salles de café. Mais dans tous on peut dîner à bon marché, et l’on est servi par des domestiques en culottes courtes. Qui penserait que pour beaucoup d’individus c’est là le grand attrait ? Sortir d’un « chez soi » terne et mal meublé où l’on n’a pour « livrée » qu’une bonne à tout faire, et pouvoir, moyennant deux ou trois cents francs par an, s’étaler sur des meubles de soie, être éclairé par des lampes nombreuses, se chauffera un feu étincelant, lire tous les journaux, être obéi, au premier signe, par une valetaille en grande tenue, c’est là une satisfaction intime de l’amour-propre à laquelle bien peu de petits bourgeois ont su résister. Cela expliquerait seul le succès des cercles, quand même l’on n’y trouverait pas le jeu, la causerie sans réticence et le droit de fumer à son aise. Non licet omnibus ; il faut être relativement riche pour s’accorder de telles jouissances ; les moins heureux vont au café, un peu par désœuvrement, mais surtout par économie.

L’hiver est dur aux employés, aux petits rentiers ; le feu et la lumière entraînent un surcroit de dépenses