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belle maxime de Necker : « Il faut toute la liberté qui est conciliable avec l’ordre. » La juste proportion n’est sans doute pas facile à trouver, car on la cherche en vain depuis 1789.

Les lois qui souvent ont frappé la presse avec brutalité ne me semblent pas avoir atteint le but qu’elles visaient : faire le silence n’est pas faire la lumière ; supprimer un journal ne rectifie pas une erreur. Entre les mains d’un gouvernement habile et quelque peu spirituel, le communiqué est un instrument à la fois très-sain et redoutable. Ce procédé est supérieur à toutes les mesures répressives ; il permet de rétablir la vérité là même où l’erreur a été propagée, et s’il est employé dans de certaines proportions contre les journaux systématiquement hostiles et de mauvaise foi, il peut les forcer à se taire à bref délai. Le principe de la liberté reste sauf ; le pouvoir et l’opposition en font usage, chacun pour sa propre cause ; la victoire appartiendra au plus avisé.

Il est regrettable que l’on soit obligé d’agiter de pareilles questions à propos de la presse périodique, et qu’elle soit souvent mue par des intérêts qui n’ont rien de général. Le désir de blesser ses adversaires l’entraîne à des excès que l’on doit réprouver ; le besoin de satisfaire le goût dépravé des lecteurs la pousse à des personnalités douloureuses, à des scandales qu’il faut savoir éviter, à des polémiques médisantes que les esprits sérieux ont toujours dédaignées[1]. Les autres peu-

  1. L’Angleterre, où la presse jouit d’une liberté presque illimitée, réprime parfois avec une extrême sévérité les attaques contre les personnes ; on lit dans le Temps du 31 mars 1875 : « Les droits de la critique en Angleterre. — Comdamnation d’un membre du Parlement anglais. — Sir Charles Dilke, baronnet, membre de la Chambre des communes et propriétaire de l’Athenæum, vient d’être condamné à 1 275 livres sterling ; (31 875 francs) de dommages-intérêts pour avoir publié dans son journal un article diffamatoire. Le journal l’Athenæum, rendant compte d’un atlas édité par la maison Johnston, d’Édimbourg, avait dit que, bien que