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le ministère, sous prétexte de protéger la royauté[1].

En dehors des moyens de répression dont nul pouvoir ne s’est montré avare contre les journaux, on a essayé de réagir contre eux en fondant une sorte de journal-type dont l’importance serait assez considérable pour neutraliser celle des autres. On a rêvé de publier à Paris une feuille quotidienne extrêmement développée et analogue au Times anglais. Des compagnies se sont formées dans ce but, un gouvernement avait même voulu prendre l’affaire en mains ; ces tentatives ont avorté et sont restées à l’état de projet, car les études préalables avaient prouvé qu’une telle opération n’avait aucune chance de réussir en France. Cela tient à un motif qu’il est bon d’expliquer. Les frais de rédaction, de composition, de papier, de poste et d’administration sont tels dans un journal, que l’abonnement ou la vente au numéro suffisent à peine à les couvrir. Ce qui assure l’existence des journaux et peut leur permettre de faire fortune, ce sont les annonces qu’ils insèrent à la quatrième et parfois même à la troisième page. Or, en France, le personnel industriel qui fait insérer des annonces ou des réclames dans les journaux s’élève, au maximum, à 600 000 individus, tandis qu’en Angleterre il dépasse le chiffre de quatre millions.

Un journal comme le Times est possible à Londres, car ses frais n’atteignent pas le quart du produit des annonces ; il serait impossible à Paris, où le produit des annonces ne couvrirait pas le quart de ses frais. Aussi nous avons vu tous les journaux quotidiens qui ont voulu imiter — de bien loin — le célèbre périodique anglais, tomber les uns après les autres et finir par la faillite. Une cause morale s’ajoute encore à cela : le Times, journal qui coûte fort cher, est approprié à la

  1. Voir le très-remarquable livre de M. Thureau-Dangin, Royalistes et Républicains, p. 190.