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exactement à l’image de notre caractère, qui est volontiers excessif ; lorsque les journaux n’existaient pas encore, la presse n’en existait pas moins : elle était représentée par les placards, les pamphlets, les couplets, les nouvelles à la main. Pendant la Ligue, le sermon tenait lieu du journal, et les orateurs les plus doux ne demandaient que la mort du pécheur. Sous la Fronde les mazarinades dépassent en fureur tout ce que nous avons pu voir dans nos jours néfastes ; Dubosc de Montandré écrit dans le Point de l’ovale : « En matière de soulèvement, on n’est coupable que d’avoir trop de modération… Faisons carnage de l’autre parti, sans respecter ni les grands, ni les petits, ni les jeunes, ni les vieux, ni les mâles, ni les femelles, afin que même il n’en reste pas un pour en conserver le nom ! » Dans la Franche Marguerite on lit : « Point de Mazarin ! point de Mazarins ! point de Mazarines ! main basse sur toute cette engeance ! Point de quartier. Tue ! tue ! tue ! »

Pendant le vrai règne de Louis XIV, silence apparent ; on s’en dédommage sous le manteau de la cheminée ; on colporte ces nouvelles à la main, médisances et calomnies, dont on flagelle ceux que l’on n’ose attaquer en face ; plus de prêches meurtriers, plus de mazarinades, mais ce qu’il y a de pis, la chanson, qui s’impose à la mémoire par la rime, par l’air qui se répète, qui s’apprend, qui descend du salon à l’office, gagne la rue, se fredonne à voix basse et devient le divertissement des cabarets. Ces chansonnettes étaient innocentes, dira-t-on, et ridiculisaient seulement quelques travers, mais ne poussaient jamais à la révolte. Que l’on en juge ; voici ce que l’on chantait en 1709 sur la famille du vieux Louis XIV :

Le grand-père est un fanfaron,
Le fils un imbécile,