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nalistes, poursuivis, traqués, dispersés par la force, furent obligés d’aller continuer en province le combat pour la bonne cause.

On accuse les journaux d’exercer sur l’opinion publique une influence considérable et de la diriger à leur gré : c’est une erreur ; ils reflètent l’opinion publique, ils la grossissent ou l’atténuent selon leurs intérêts, mais ils ne la créent pas ; ils sont l’écho et non pas la voix. Si l’on veut savoir quelles sont les tendances et quels sont les goûts d’une nation, il n’y a qu’à regarder le journal qu’elle lit de préférence, et l’on saura à quoi s’en tenir. Les journaux ne sont point des êtres abstraits qui vivent de rhétorique et se nourrissent de syllogismes : ce sont des exploitations industrielles qui ont besoin de gagner de l’argent pour subsister ; plus l’opinion représentée par un journal a d’adhérents, plus ce journal a d’abonnés. C’est là une vérité si élémentaire, qu’elle ressemble à un lieu commun.

Lorsque l’abonné « ne mord pas », on cherche à l’attirer par toutes sortes de moyens où la politique et la littérature n’ont rien à voir ; en 1845, un journal littéraire nommé la Pandore donnait, en prime, des cravates, des pendules et des pantalons ; dans les Débats du 23 décembre 1869 on peut trouver une annonce par laquelle un journal, fort vertueux, offre à ses abonnés, au choix et dans l’ordre suivant, une photographie de Pie IX, de Jésus-Christ, d’Emile Augier ou de Victorien Sardou.

Les journaux quotidiens contiennent beaucoup d’erreurs, et souvent l’on y prend le Pirée pour un homme ; cela n’a rien de surprenant, car ils doivent être écrits, composés, tirés, plies, expédiés avec une rapidité vertigineuse ; la politique change et varie avec une inconcevable prestesse : ce qui est vrai à midi est faux une