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Dès que la nuit était tombée, la ville était littéralement prise d’assaut ; les cabaretiers des villages de la banlieue dressaient leurs échelles contre le mur d’enceinte, et les barils de vin, les bouteilles d’eau-de-vie, la viande, la charcuterie, le vinaigre, étaient descendus, à l’aide de cordes, aux complices qui attendaient dans le chemin de ronde. Si quelque commis malavisé s’aventurait à vouloir réprimer cette fraude violente, on le rouait de coups, on le bâillonnait, et l’on continuait sans gêne l’introduction des denrées prohibées. On fit plus : on creusa des tunnels qui, passant sous les boulevards extérieurs, sous le mur d’enceinte, sous le chemin de ronde, mettaient en communication les cabarets de la banlieue et ceux de la ville ; c’était un pillage, l’octroi était à sac. C’est sans doute de cette époque que date une galerie à demi comblée qui, partant d’une maisonnette située dans l’ancien cimetière de la Salpêtrière, et traversant le boulevard de l’Hôpital au nord de la barrière des Deux-Moulins, aboutissait à la rue du Marché-aux-Chevaux, et qui fut retrouvée lorsque M. Eug. de Fourcy fit faire les travaux destinés à reconnaître le Paris souterrain[1]. Il fallut le Premier Consul à la tête du gouvernement et Frochot à la préfecture de la Seine pour mettre fin à ces abus.

Depuis la loi de vendémiaire, les octrois n’ont pas cessé de fonctionner régulièrement à Paris, avec des fortunes diverses qui oscillaient au gré des vicissitudes de la prospérité publique. Dans plus d’une circonstance, des théoriciens animés de fort bonnes intentions ont cherché à détruire ce mode de perception ; plus d’une commission législative ou extra parlementaire s’est réunie pour étudier la question ; on a dit là contre l’octroi

  1. Voyez l’Atlas souterrain de la ville de Paris, par Eug. de Fourcy, 1859 : région N.-E., planches 1 et 2. — Le triangle qui a le sommet à l’ancienne barrière d’Italie, les côtés aux boulevards de l’Hôpital et d’Ivry, la base à la Seine, n’a été réuni à Paris qu’en 1818.