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qui sont déjà trop nombreuses dans de pareils endroits. Lumières partout : dans la salle, sur la scène, par les lustres, par les rampes, par les herses ; bois sec, toiles, papiers peints, cartons vernis ; c’est miracle que les théâtres ne flambent pas tous les soirs.

Les pompiers y sont de planton jour et nuit ; près des grandes salles de spectacle, ils ont un poste fixe. Pendant les représentations, ils sont en vigie dans les coulisses, tout prêts pour l’action, la veste au dos, la ceinture aux reins, le casque en tête, en costume de feu, comme l’on dit. Ils sont attentifs et prudents ; dès que l’on dispose une herse lumineuse à laquelle un décor ou une jupe de gaze peut s’enflammer, ils s’en rapprochent et placent un seau d’eau à leur portée. Tous les théâtres ont d’immenses réservoirs dans les combles ; ils ont des tuyaux de secours branchés sur des conduites bien alimentées ; ils ont un personnel nombreux et forcément dévoué au maintien d’un établissement dont il vit : cela n’en a sauvé aucun. Dès que le feu apparaît au milieu de ces matières éminemment combustibles, tout est perdu.

Je ne connais rien de plus laid, de plus désagréable que l’intérieur d’un théâtre ; ce monde si éclatant, si riche lorsqu’on n’en voit que les apparences, est terne, triste, sale, sombre lorsqu’on le pénètre et qu’on en touche la réalité. Sur la scène, tout est convention : les velours de soie qui sont en coton, les dorures qui sont peintes à l’œuf, les diamants qui sont en stras, la mémoire des acteurs qui sort du trou du souffleur, tout, jusqu’à la lumière qui vient d’en bas, au lieu de tomber d’en haut. Dans la coulisse, au contraire, la vérité est implacable de réalisme. Le plus joli visage est d’un comique irrésistible, car on voit ce qu’il faut de rouge aux lèvres, de noir aux paupières, de blanc sur la peau, de bleu sur le trajet des veines, pour produire quelque