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car les yeux seuls peuvent y être occupés ; on s’y rue cependant ; la foule s’y entasse, s’y plaît et bat des mains. Ces sortes de pièces doivent être vues à l’envers ; il faut tourner le dos à la scène et regarder la salle. Les spectateurs sont autrement curieux à voir que les femmes peintes qui prennent des attitudes au milieu des architectures en carton. Sur les visages, c’est l’expression de la bestialité qui domine, et parfois l’admiration presque douloureuse de quelque collégien que l’émotion étrangle. Lorsque le rideau s’abaisse en bruissant, cache aux yeux toutes ces surexcitations et ramène la réalité, il y a une surprise pénible : quoi ! ce rêve a déjà pris fin ? Un peu de patience, il va renaître ; car chaque acte se termine par une exhibition ; on les gradue de façon que la dernière soit la plus plantureuse ; car le mot d’ordre semble être l’orgueilleuse devise que Nicolet inscrivit en 1760 sur le théâtre des Marionnettes, qui, devenu le théâtre des Grands Danseurs du roi, est aujourd’hui celui de la Gaîté : De plus fort en plus fort !

Les origines des pièces que l’on voit sur nos théâtres remontent au moyen âge. Les confrères de la Passion jouaient des mystères tirés de l’Histoire sainte ; les clercs de la basoche imaginaient des moralités qu’ils représentaient sur la Table de Marbre ; enfin, un certain nombre de jeunes gens, issus de familles bourgeoises, et appartenant pour la plupart à l’Université, groupés sous le nom d’Enfants Sans-Souci, inventaient des espèces de farces souvent très-grivoises et parfois obscènes que l’on nommait des soties, car le chef de l’association était le prince des sots. Les mystères et les réminiscences de l’antiquité ont produit les tragédies et les drames ; les moralités sont devenues les comédies ; les soties ont enfanté les vaudevilles. L’opéra nous a été apporté d’Italie, ainsi que l’opéra comique, qui succéda à la comédie italienne, qu’il ne faut pas confondre avec le Théâtre