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à lire les affiches dont les murs sont tapissés, on sait où aller pour rire, pour pleurer, pour entendre de la musique, pour voir danser, pour applaudir des chevaux savants, pour regarder des filles égrillardes qui n’ont d’autre talent que leur demi-nudité, pour écouler des couplets grivois, pour avoir trop chaud, pour être mal assis, pour s’abêtir : comédies, opéras, opéras comiques, ballets, vaudevilles, farces, bouffonneries, parodies, féeries, inepties, drames, mélodrames, turlupinades, inconvenances, tours de force, voltiges, opérettes, rien n’y manque[1].

Mercier, dans son Rêve de l’an 2440, demande quatre théâtres pour le Paris futur qu’il entrevoit ; que dirait-il s’il revenait ? Sauf quelques rares exceptions, les pièces se succèdent et s’évanouissent au feu des rampes, sans laisser grand souvenir dans la mémoire. Voltaire a dit un mot que l’on peut répéter aujourd’hui : « Combien avez-vous de pièces de théâtre en France ? dit Candide à l’abbé, lequel répondit : Cinq ou six mille. — C’est beaucoup, dit Candide ; combien y en a-t-il de bonnes ? — Quinze ou seize, répliqua l’autre. — C’est beaucoup, dit Martin. »

Bonnes ou mauvaises, excellentes ou passables, ces pièces attirent toujours du monde, et souvent « elles tiennent l’affiche » plus longtemps que l’on n’aurait cru. Doit-on blâmer chez le Parisien une banalité sans pareille et l’accuser de manquer de goût ? Ce reproche n’est mérité que dans une mesure assez restreinte. Chaque jour les chemins de fer apportent aux salles de spectacle un public arrivant de la province ou de l’étranger. L’ouverture des voies ferrées débouchant à Paris a assuré le succès, sinon la fortune, de tous nos théâtres ; les pièces résistent devant des spectateurs qui

  1. En 1814, Paris avec 600 000 habitants avait dix théâtres, qui dans l’année ont fait cinq millions de recette.