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part des denrées manquaient, et le prix augmentait en raison de la rareté du numéraire ; en revanche, les inconvénients que des esprits prévoyants avaient redoutés ne tardèrent pas à se manifester : comme les caisses de la municipalité étaient vides, on ne pouvait subvenir aux exigences même les plus élémentaires d’une grande ville. On éteignit la moitié des réverbères, parce que l’on n’avait pas de quoi payer l’huile ; les rues, presque dépavées et qu’on ne balayait guère, étaient d’infects bourbiers ; fait plus grave pour un peuple qui avait inscrit le mot de fraternité dans sa devise nationale, on était obligé de fermer les hospices et de clore les hôpitaux, parce que l’on ne pouvait plus y nourrir les indigents, les infirmes et les malades.

Cet état de choses dura sept ans, et finit par prendre des proportions qui créaient une sorte de danger public ; lorsque l’on chercha sérieusement le remède, on n’en trouva qu’un seul : le rétablissement de l’octroi. Toutes les villes, Paris même, le demandaient ; l’expérience avait été dure, mais elle n’avait pas été inutile ; en présence de la mendicité encombrant nos voies publiques devenues impraticables[1], on alla demander des ressources à ce qui en a toujours produit, à la taxation des denrées alimentaires. C’était le seul moyen d’éviter que les villes restassent à la charge de l’État, qui avait déjà grand-peine à subvenir à ses propres exigences. L’État était intervenu, mais selon ses moyens et non pas selon les besoins qu’il fallait satisfaire.

Le 2 fructidor an VI, le rapporteur de la commission

  1. « Les rues sont de la plus grande malpropreté ; celle que l’on appelait Sainte-Anne est encombrée de fumier ; dans la partie qui avoisine la rue de Louvois, il y en a des tas le long des murs qui y séjournent depuis quinze jours. Malgré l’arrêté du département concernant les mendiants, les pauvres fourmillent dans les rues, dans les promenades et sur les boulevards. » Extrait des rapports de police du 27 février 1794, cité par C.-A. Dauban : Paris en 1794 et en 1795, p. 120.