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cultes phéniciens. Au sommet d’un tertre, se dresse une colonnette brisée ; la pierre, engravée d’inscriptions, usée par les couteaux, laisse à peine lire des noms et une date : Bories, Goubin, Pommier, Raoulx, — 21 septembre 1822. Ce sont les quatre sergents de La Rochelle, retrouvés après 1830 dans la partie du cimetière des hôpitaux réservée aux suppliciés, On leur a élevé ce tombeau, qui paraît entretenu encore avec quelque soin. Sous un fouillis d’arbres, à côté de tombes nombreuses, on aperçoit une pierre, — une borne plate ; — pas un nom, pas une date, pas un mot. Dans la nuit du 24 août 1847, à une heure et demie du matin, on apporta un cadavre mystérieux, qui fut enterré là ; nul ne l’avait suivi, si ce n’est un des plus hauts personnages du temps. Un prêtre récita les prières à la clarté douteuse des lanternes, et donna l’absoute à ce corps, dont les gardiens mêmes ignoraient le nom. On combla la fosse et l’on refoula la terre sur celui que l’on eût qualifié jadis de très-haut et très-puissant seigneur, mais qui n’était en réalité qu’un criminel vulgaire et maladroit : Charles-Laure-Hugues-Théobald de Choiseul-Praslin, né à Paris le 29 juin 1805. Cette tombe inspire grand’pitiè ; elle est plus qu’abandonnée, elle est maudite : il n’y pousse même pas les vertes herbes que je vois sur les immenses tranchées où l’on a enfoui 1 634 fédérés après la défaite de la Commune.

Nos cimetières sont bien tranquilles et très-respectés. Des gardiens, qui sont tous d’anciens militaires, s’y promènent jour et nuit, surveillent les promeneurs et savent bien voir. À peine, par-ci par-là, signale-t-on quelques vols de couronnes ; bien souvent celles-ci sont enlevées par de pauvres gens qui veulent honorer la tombe de leur enfant, de leur femme, et qui n’ont pas de quoi acheter ce que leur langage prétentieux appelle « un emblème de douleur ». Cependant, en 1848 et en