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raient le dernier village des Abruzzes, sont à jeter bas et à remplacer immédiatement. Le prix des concessions à perpétuité et des concessions temporaires est assez élevé pour que l’entrée d’un de nos grands cimetières, de celui qui dessert des arrondissements payant de très-lourdes contributions, ne ressemble pas à une guinguette de joueurs de quilles.

Autrefois, dès que l’on avait franchi la porte du cimetière, on trouvait à droite une sorte de précipice, semblable à un petit cratère éteint et rempli d’une végétation magnifique ; je me le rappelle très-nettement, car je l’ai admiré maintes fois lorsque, tout enfant, j’allais visiter « mes pauvres morts », comme disent les Italiens. Des cyprès énormes montaient au-dessus des mélèzes et des saules pâlissants ; les tombes renversées gisaient sur le sol avec des attitudes désespérées ; des clématites, des aubépines, des chèvrefeuilles, des rosiers qu’on n’avait jamais taillés s’allongeaient sur les pierres disjointes ; des ramiers roucoulaient sur les branches, des lézards couraient à travers les racines. La nature avait repris possession de ce coin abandonné et en avait fait une sorte de bosquet vierge mêlé à des ruines. Une concession perpétuelle, dont on ne parvenait pas à retrouver le titulaire, empêchait que l’on ne comblât ce ravin magnifique. Le propriétaire fut malheureusement découvert en Amérique ; il autorisa l’exhumation qu’on lui demandait, et la ville redevint maîtresse de ce lieu charmant. Vers 1839 ou 1840, on déracina les arbres ; dans le trou on versa quelques charretées de gravois, et maintenant c’est un terrain attristé de tombeaux uniformément laids.

Le cimetière est assez beau, froid d’aspect, coupé par de grandes allées ombreuses ; près de la croix, le tombeau de Godefroy Cavaignac montre l’admirable statue qui fut modelée par Rude et par Christophe ; l’eau des