Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La ferme générale avait singulièrement modifié l’aspect du vieux Paris en l’enfermant de toutes parts, et en faisant construire à chacune des issues ces pavillons plus bizarres les uns que les autres, et dont quelques-uns encore debout sont attribués à divers services municipaux. L’architecte Ledoux, qui fut chargé de ce travail, avait une imagination aussi déréglée que stérile ; il s’épuisait à trouver des formes nouvelles, et ne les obtenait le plus souvent qu’au détriment des règles les plus élémentaires du bon goût[1]. Ledoux préconisait ce qu’il appelait « l’architecture parlante », et trouvait tout simple que la maison d’un vigneron eût l’apparence d’un tonneau.

L’archevêque de Brienne, en arrivant aux affaires, fit interrompre les constructions commencées ; on les reprit plus tard, on les arrêta de nouveau. Ledoux ne ménagea pas ses plaintes, et dans une lettre pleine de doléances, où il raconte les caprices dont il eut à souffrir, il écrit cette phrase, qui mérite d’être répétée aujourd’hui : « Il semble que cette nation ne soit pas susceptible d’une pensée durable et qu’elle ne puisse atteindre au delà du provisoire. » Il acheva pourtant d’élever ces lourds bâtiments qui, malgré les formes variées qu’il leur avait infligées, prouvaient par une laideur égale qu’ils sortaient tous de la même main.

Le premier acte de la révolution ne fut point la prise de la Bastille, ce fut la destruction et l’incendie des barrières. Dès le 12 juillet, aussitôt que l’on eut appris le renvoi de Necker, le peuple, avant de songer à attaquer la royauté, se rua avec ensemble sur les bureaux où se tenaient les commis de la ferme générale. Dussaulx, dans l’Œuvre des sept jours, dit, à la date du 13 :

  1. J’excepte l’hôtel d’Uzès, qui était fort beau, et dont la porte était surtout remarquable ; la spéculation l’a détruit récemment et a percé une rue sur le terrain qu’il occupait rue Montmartre.