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avaient eu la précaution d’emporter quelque bouteille de vin, et parfois même entrouvraient les rideaux noirs, passaient la tête et faisaient la grimace aux aumôniers à cheval, qui en perdaient la tramontane.

Les crieurs-jurés de corps furent dépouillés de leurs privilèges pendant la Révolution, mais ils possédaient un matériel funéraire qui leur assurait le service de presque tous les enterrements ; ils continuèrent donc, par la force même des choses et comme par le passé, à pourvoir à ce premier besoin de la salubrité et de la décence urbaines ; ils ne criaient plus, ils ne clochetaient plus, mais ils tendaient, drapaient et portaient toujours, jusqu’aux heures douloureuses où toute marque de supériorité sociale devint un motif à délation ; les gens riches s’habillaient de carmagnole, et, pour n’éveiller aucun soupçon, l’on se faisait enterrer très-humblement. Les municipalités de Paris se chargèrent alors des inhumations, qui furent faites à prix débattu jusqu’à ce qu’un arrêté du 18 thermidor an IV fixât à dix francs la taxe des morts âgés de moins de sept ans et à vingt francs celle des adultes. Ce que furent les convois, on peut se le figurer. Tous les corps étaient portés à bras, et plus d’une fois les brancards stationnèrent à la porte des cabarets.

Cela dura jusqu’à l’avènement de Frochot à la préfecture de la Seine. Il remit d’abord le soin des cérémonies funèbres à un entrepreneur désigné dans chaque arrondissement ; puis bientôt, dès l’an IX, à un entrepreneur général qui centralisa le service. Le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804), qui reconnaissait aux fabriques des églises catholiques, aux consistoires protestants et Israélites le droit de faire « les fournitures d’enterrement », amena un conflit entre le clergé et l’entrepreneur. De gros intérêts étaient en jeu, la querelle menaçait de s’aggraver ; un homme qui aimait à