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Journal de Barbier, à la date du 10 février 1740 : « Le corps de M. le duc (de Bourbon) était dans un chariot à huit chevaux avec quatre aumôniers à cheval, qui portaient le poêle. »

Jusqu’au commencement de notre siècle, la plupart des corps, placés sur des brancards, étaient transportés à la main, comme nous voyons faire aujourd’hui pour les petits enfants ; parfois même le cercueil, soutenu sur l’épaule d’un vigoureux semonneur[1], s’en allait ainsi chercher la demeure suprême. C’était là ordinairement toute la cérémonie que l’on faisait pour les petits bourgeois et les artisans ; il n’en était plus ainsi dès qu’il s’agissait des gros financiers et des gens de la noblesse. On se servait en ce cas d’un corbillard surmonté d’un catafalque et traîné par un nombre de chevaux en rapport avec la fortune ou la qualité du défunt. Il se produisait alors un fait singulier auquel il serait assez difficile d’ajouter foi, si l’on n’avait le témoignage des écrivains contemporains. La machine funèbre était si lourde, les rues étaient d’un parcours tellement difficile que l’on redoutait toujours un accident, et que, pour y parer, les crieurs-jurés emmenaient avec eux une escouade d’ouvriers selliers, bourreliers et charrons munis d’alênes, de pinces, de marteaux, de clous et d’enclume. Il fallait les avoir sous la main et cependant ne pas les mêler, en costume de travail, à la foule des invités ; le moyen employé pour arriver à ce double résultat était assez ingénieux : on les faisait monter dans le corbillard, sur le cercueil même, et ils étaient dissimulés par les amples draperies qui tombaient de l’impériale jusqu’aux plats-bords du char. Pendant le trajet, ils jouaient aux dés sur la bière, buvaient un coup s’ils

  1. Du latin submonere. C’était le nom que l’on donnait aux employés des crieurs-jurés charriés d’aller inviter — semondre — à domicile ; ils faisaient aussi fonctions de porteurs.