Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont admirables, ces hommes humbles, supérieurs au milieu où ils vivent, continuant malgré tout leur croisade contre l’ignorance ; le soir, gratuitement, ils s’en vont dans les classes d’adultes et tâchent d’enseigner l’A, B, C, D à des paysans sournois qui leur rient au nez. M. Duruy, lorsqu’il était ministre de l’instruction publique, avait été ému d’un si ardent courage résistant à une telle misère ; il demanda un subside pour récompenser, pour secourir environ 25 000 instituteurs qui se dévouaient au delà de leurs forces ; on lui accorda 50 000 francs, — quarante sous par tête.

Il est facile de modifier cette situation et de la rendre enfin tolérable, car ce n’est qu’une affaire d’argent. Pour donner aux instituteurs et aux institutrices un traitement minimum de 1 000 fr., il faudrait que le crédit ordinaire de l’enseignement primaire fût porté à 80 millions. Avec cette somme, régulièrement inscrite aux budgets annuels, on arriverait aisément à disposer d’un personnel excellent ; mais la question du matériel resterait tout entière ; celle-là est fort lourde, fort douloureuse, et par cela même elle demande à être résolue immédiatement. Il faut réparer les écoles qui tombent en ruine et les rendre habitables. Il faut en construire des nouvelles, les outiller, les meubler, leur fournir les instruments de travail sans lesquels toute institution est vaine. Pour doter la France des écoles dont elle a besoin, quelle somme est nécessaire : 180 millions au moins. Or le ministère de l’instruction publique dispose aujourd’hui de 1 200 000 fr. pour venir en aide aux communes qui font bâtir des maisons scolaires[1]. Si cet écart énorme n’est pas comblé d’ici à peu d’années par

  1. Le chiffre de 1 200 000 francs se rapporte à l’année 1872 ; le budget de 1873 est moins misérable pour cet objet : 1 700 000 francs ; le budget de 1874 porte une augmentation notable sur les fonds de retraite et les fonds de secours ; le maximum des retraites, réservé aux instituteurs primaires âgés de soixante ans, pourra dorénavant être de 500 francs.