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munes, trop pauvres ou peu intelligentes, refusent de payer ; on s’adresse au département, qui regarde volontiers du côté des dépenses d’apparat et fait la sourde oreille. C’est l’État qu’on sollicite, et il inscrit à son budget une somme destinée à soutenir l’enseignement primaire.

En réunissant toutes les ressources que les communes votent en rechignant, celles que les départements n’osent pas refuser, et celles que le ministère de l’instruction publique est autorisé à consacrer à cet objet, nous arrivons, pour la France entière, à une somme qui n’atteint point 60 millions. — L’État de New-York, pour une population de 4 382 759 habitants, a donné à l’enseignement 50 millions en 1870[1] — « Avec cela, m’écrit un homme de bien qui consacre sa vie à l’enseignement primaire et qui mieux que tout autre en a sondé les plaies, avec cela nous avons en France des écoles moins bien entretenues que des chenils, des instituteurs moins bien payés que les bons valets de ferme, des institutrices fort au-dessous, comme situation, des femmes de chambre des chefs-lieux d’arrondissement. »

Les maîtres congréganistes ont 600 francs par an, mais la vie en commun leur permet de subsister sans trop de peine. Quant aux laïques, qui sont au nombre de 52 000 environ, presque tous mariés, la moitié ne reçoit pas plus de 750 à 800 francs par an, un bon quart a de 550 à 600 francs ; reste un cinquième auquel on donne, — j’ose à peine le dire, — 450 francs. Il ne faut donc pas être surpris si, sous peine de mourir de faim, ces malheureux se font sonneurs de cloches, tambours pour crier les actes publics, écrivains à l’état civil, — s’ils vont faucher ou fauciller avant que la classe soit ouverte, — s’ils vont glaner quand elle est close. Et ils

  1. Émile de Laveleye, l’Instruction du peuple, p 369.