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les parents qui n’y envoient pas leurs enfants ; en 1794, on déclare que l’enseignement est gratuit, et, en 1795, on n’accorde à l’instituteur d’autre traitement que la rétribution consentie par les familles. Un décret neutralisait l’autre : enseignement obligatoire sans écoles, gratuité pour l’élève, gratuité pour le maître. La Révolution voulut l’enseignement, ne fit rien pour le créer et détruisit celui qui existait[1]. On peut penser ce qu’était l’école dans la cacophonie de ces contradictions légales. D’après les rapports des Conseils (en 1796), il est constaté que ces systèmes révolutionnaires et savants d’éducation ne font pas de progrès, qu’il y a maintenant des districts de 80 000 habitants où l’on ne peut se procurer un maître d’école, et que, dans quelques-unes des plus grandes villes de province, les précepteurs ne savent pas l’orthographe[2]. »

Sous la Restauration et sous le gouvernement de Juillet, on commença à s’occuper d’une façon moins platonique de l’enseignement primaire. L’ordonnance du 29 février 1816, la loi du 28 juin 1833 donnèrent aux études élémentaires une impulsion qu’elles n’avaient pas encore reçue ; c’était le temps de la méthode Jacotot, de l’enseignement mutuel, et de bien d’autres systèmes qui n’existent plus guère que dans le souvenir. Lorsque l’on discutait à la Chambre des pairs la loi de 1833, Victor Cousin n’hésita pas à déclarer que l’obligation lui paraissait devoir être adoptée ; en effet, il

  1. Le projet de Saint-Just résume toutes les idées niaises et excessives qui avaient cours alors sur l’enseignement : « Les enfants mâles sont élevés de cinq à seize ans par la patrie ; ils sont vêtus de toile dans toutes les saisons et ne vivent que de racines ; ils couchent sur des nattes et ne dorment que huit heures. » — Saint-Just est plus indulgent que l’école de Salerne, qui a dit : Septem pigro, nulli concedimus octo. Un tel projet mis à exécution aurait eu pour résultat immédiat de développer l’anémie et le rachitisme dans d’incalculables proportions ; les grandes épidémies nerveuses du moyen âge provenaient précisément de ce que l’on vivait de racines et de ce que l’on était vêtu de toile en toutes saisons.
  2. H. Taine, Lettres d’un témoin de la révolution, p. 235.