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excellé ; c’est en nous croyant sottement et naïvement le premier peuple du monde, que nous avons végété dans une indifférence inqualifiable pour tout ce qui touche à la géographie et à l’étude des langues vivantes, c’est-à-dire à ce qui fait connaître les autres peuples et permet, au besoin, de profiter de leurs découvertes[1].

L’instruction est le salut même de l’humanité : elle a pour but et pour résultat d’élever l’homme au-dessus de ses instincts naturels, de lui procurer un instrument de travail général et de le mettre à même de trouver dans ses facultés fécondées par l’étude le moyen de subvenir aux exigences de la vie et de remplir les devoirs qui sont imposés à l’individu dans toute société civilisée. Jamais l’instruction n’est assez répandue, jamais assez multiple, jamais assez profonde. Ceux qui en ont peur sont des niais ; la force obtuse et crédule de l’ignorance est plus redoutable que les ambitions souvent démesurées du demi-savoir.

Que penser d’une nation qui n’a pas encore compris, qui n’a pas encore forcé ses représentants à comprendre que l’instruction obligatoire est le corollaire obligé du suffrage universel ? Il est cependant élémentaire d’admettre que nul ne peut être appelé à exercer un droit s’il n’est apte à l’exercer ; pouvoir changer, par son vote, la forme même du gouvernement et ne pas

  1. Il est dur, mais utile, d’écouter à ce sujet ce que disent nos adversaires. La Gazette de l’Allemagne du Nord a écrit, en 1873 : « S’il est vrai, comme aucun homme qui pense ne le contestera, que l’ignorance véritablement grandiose des français à l’égard de tout ce qui se passe en dehors des frontières de leur pays, fut pour nous un allié efficace avant et pendant la dernière guerre, on peut en conclure avec une justesse mathématique de quelle importance est ce fait, que le même peuple, le plus agressif de tous, malgré les terribles leçons des dernières années, s’enferme de plus en plus dans son vieil esprit de mandarinisme (Chinesenthum). Nous pourrons encore dans l’avenir tirer profit de cette ignorance nationale. » — J.-J. Ampère écrivait de Bonn, le 6 novembre 1826, à madame Récamier : « Je suis confondu, dans ce pays, des connaissances indispensables dont nous nous dispensons en France. »