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d’engager pendant ces longs jours de misère. Le mandataire des commissions anglaises s’excusait de la modicité de la somme et redoutait qu’elle ne fût presque ridiculement insuffisante. L’appel du Mont-de-Piété à ses clients fut aussi large et aussi retentissant que possible ; à cette époque, les magasins contenaient 1 708 547 articles représentant un prêt de 37 502 723 fr. ; en présence d’un pareil total, qu’était-ce donc que 20 000 francs ? C’était beaucoup plus qu’il ne fallait, car on n’eut à rendre que 2 383 outils, dont le dégagement coûta 13 570 francs ; 6 430 francs n’ont pas trouvé d’emploi. Si la misère réelle avait eu ses gages au Mont-de-Piété, elle y eût couru ; on peut affirmer qu’elle n’y va qu’accidentellement.

Cette vérité apparaît d’une façon saisissante lorsqu’il y a de ces dégagements gratuits officiels qui sont un don de joyeux avènement ou une mesure inspirée par des circonstances politiques particulières. La première fois que l’on en trouve trace dans l’histoire, c’est à la date du 9 octobre 1789, date déplaisante, car elle prouve que la crainte plus que tout autre sentiment avait dicté cet acte de générosité qui, pour être sincère, succédait trop rapidement à ces néfastes journées du 4 et du 5 octobre, depuis lesquelles la France ne sait plus à quel principe se rattacher ; car elle y viola en même temps le droit divin, base de l’ancienne société, et la souveraineté nationale, base de la société moderne ; c’est à compter de cette heure que nulle légalité politique n’a pu prendre racine parmi nous. La Convention imita Louis XVI, et tous les gouvernements qui ont succédé ont suivi l’exemple donné. Au mois d’octobre 1870, le gouvernement de la Défense nationale n’y manqua pas, et nous avons vu que la Commune ne s’en fit pas faute. Or toutes les fois qu’un dégagement gratuit est décrété, il est généralement limité aux prêts qui ne dépassent pas 10 ou